• cadrages

     

    Il faut vraiment que tu apprennes à cadrer, me dit-il. Bien sûr, je réponds, quand j’aurai le temps. Peut-être n’en ai-je pas vraiment envie, je pense.  Je reconnais que mes photos ne sont pas souvent (bien) cadrées, prises trop vite, même quand on veut que la ligne de la mer de la carte postale coïncide avec la ligne de la vraie mer et que cette ligne même ne cesse de bouger.

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    Hier, donc, je suis allée à la mer avec l’ami photographe au lieu de travailler à mon vase (espère toujours que Nuit me viendra en aide, me rêvera, mais Nuit s’amuse) pour faire images avec jouets et cartes postales. Et nager, aussi. Bien nous en a pris, car ciel couvert et fin août signifient moins de touristes, qui plus est dans cette calanque. Après bain rapide et vagues moqueuses  et chahuteuses (chute cocasse sur les pieds d’un monsieur prévoyant fin canicule + retour mauvais temps avec un grand sourire partagé) ai joué avec mes jouets.

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    Ce qui m’intéresse, c’est justement ce qui devrait rester hors-champ car ne prétends pas faire de belles photos, encore moins des jolies (le joli étant l’ennemi du beau comme le mieux est l’ennemi du bien, ce qui ne veut strictement rien dire mais c’est pour faire une parenthèse dans ce billet qui se donne des airs un peu trop sérieux).  Je ne suis pas photographe, contrairement à lui. En fait, les images engendrent d’autres images. Entre les deux il y a les mots. Lui, ses photos sont si belles qu’elles racontent une histoire sans avoir besoin des mots.

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    Alors, hier, j’avais l’air de m’amuser avec mes Playmobil et mes cartes postales, mais je travaillais. Pour tout dire, je travaillais même à mon vase, cherchant des images décadrées, décentrées, décalées (non, je ne vous dirai pas le thème proposé par Brigitte Célérier pour notre échange des Vases communicants) et surtout images me proposant autre chose que ce que je cherche. Pour cela, Hasard a pris les traits d’un homme à quatre pattes à l’arrière-plan de la femme des années 50 qui enlève son haut : il essaie de remonter sur le rocher, les vagues beaucoup plus agressives. Coïncidence est cette dame en maillot bleu qui souriait goguenarde quand je plaçais mes jouets sur le rocher : sans le savoir (ni elle, ni moi) elle donne l’échelle et la perspective qui manquaient à la photo.

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    C’est une bonne idée de prendre le petit bateau jaune si haut, et de donner tant d’importance à la mer, mais tu aurais pu quand même cadré avec un peu plus de ciel. Mais, enfin… C’est la mer qui est intéressante avec le petit bateau jaune, comme le petit bout de serviette jaune de la baigneuse Playmobil, comme le petit pan de mur jaune…

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    Et celle-là, non, elle est pas bien cadrée ? (à ce stade du texte, il me vient un jeu de mots aussi facile que déplacé –décadré ? – mais je vous en fais grâce…)

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    la 4e photo, cadrée (et belle) est de Philippe Marc: elle a été prise l'été dernier en Camargue.

     


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  • esthétique des ruines

     

    esthétique des ruines

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    Qu’est-ce qui se passe ? Que se passe-t-il dans ce lieu de passage ?  Ri1 –écrit en rose témoigne cependant d’un passage de néo-nihilistes véhiculés – car dans ce virage d’une route très empruntée il est rare de s’arrêter sinon pour un besoin urgent. Alors qu’est-ce qui se passe ? Il se passe rien. Rien ne passe. Ni personne. Sauf une passante égarée aujourd’hui avec son chien.  Qui passait souvent en voiture, sans s’arrêter – un jour, sur la même route un peu plus loin de l’autre côté de la route, elle avait voulu prendre en photo une buse facétieuse – mais aujourd’hui, elle s’arrête.

    esthétique des ruinesQui passe ? Elle et son œil  par la fenêtre et le ciel  sur la maison. Qui pousse dans la cuisine ? Un arbre – la passante romanesque construit le roman du poivrier né d’un grain de poivre tombé par hasard sur la terre battue de la cuisine de Margot – la passante ne connaît rien à la botanique. Qui passe ? Elle et le temps qui font leur tour. L’un gagne toujours un nouveau tour gratuit. Elle lève les yeux au ciel. Qu’est-ce qui passe ? Un avion, comme une araignée au plafond. Une qui passera plus, c’est la carcasse de voiture qui sert de pot de fleur à des plantes qui s’y plaisent. Et alors qu’est-ce qui se passe ? Ri1 on vous l’a dit, écrit rose sur ocre, et pourquoi passerait-il quelque chose ? 

    esthétique des ruines


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  • ta peauC’est un mélange d’effluves assez subtil : la vanille n’a pas réussi à masquer complètement l’odeur du sel et du soleil méditerranéens. On décèle également une note de fleurs de cerisier. Tenter une percée ? Non, beaucoup trop d’agitation en bas. Je poursuis l’exploration vers le nord et survole en rase-mottes la région centrale du territoire mais que se passe-t-il ? L’air est instable, une immense masse noire apparaît, je suis obligé de changer de cap.

    La nuit est redevenue calme. La lune éclaire mon terrain de chasse. J’amorce la descente. C’est une peau mature, stade 4, soignée au demeurant. Le parfum de la crème de nuit est assez fort : je décèle de l’acide glycolique, de l’huile de soja et du germe de blé. Je m’approche prudemment de l’embouchure. L’odeur mentholée du dentifrice se mêle à celle puissante du cacao – à vue de nez 86 % minimum, j’en salive d’avance – le prélèvement devrait être facile et rapide. Il me faut ce sang. Horreur ! L’énorme masse fond sur moi ! Les cinq doigts de la main du sujet mal réveillé – maintenant j’en suis sûr – me traquent sans relâche. Sans coordination aussi heureusement ! Je m’échappe par l’Est mais je reviendrai. J’ai toute la nuit pour cela ! J’aurai ta peau !



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  • Le petit poète à lunettes

    Cette nuit j’ai fait un rêve qui a à voir avec mon rapport aux mots, et en particulier à l’usage désuet que j’en fais, mais aussi à l’intelligence et au hasard. Si je parviens à démêler tout ce qui se remue à l’intérieur, il se peut qu’en sorte quelque chose de complexe et vivifiant. Je vais essayer d’aller au bout.

    D’abord le rêve brut, enfin le moins travaillé possible. Je ne raconte que ce qui a trait à ce petit poète à lunettes, qui ressemble un peu à Pessoa quand il s’appelle Soares (tel qu’il figure sur la couverture du Livre de l’Intranquillité) enfin ça m’a fait penser à ça, mais dans le rêve je ne me dis pas ça, c’est après coup. Bref, le petit poète à lunettes est amoureux de moi ou plutôt de mes mots, de mes textes. Moi, je suis flattée bien sûr, mais au moment où il m’aborde j’ai d’autres chats à fouetter ; assez embêtée, je cherche dans mes poches, un papier où j’ai noté le premier jet d’un texte d’abord écarté. Nous sommes au milieu d’une foule venue assister à la lecture de texte divers, poèmes, scènes de théâtre, extraits de travaux en cours (aucun des textes n’a été encore joué sur scène ou publié) celui que je comptais lire ne me plait plus et je cherche le premier pour le retravailler vite fait dans la file d’attente. La deuxième scène dont je me souvienne, c’est chez un couple d’amis du poète. Les amis vénèrent le poète. La femme veut me prêter des livres écrits par le poète et me demande si je les ai déjà lus. Je mens. Je dis que j’en ai lus certains mais pas celui-là, que je veux bien l’emprunter. Le petit poète à lunettes revient avec son ami et semble heureux que je sois encore là. Pendant que le couple met la table pour le dîner dans la pièce à côté, il me montre un gros livre relié (qu’il a écrit) et l’ouvre : sur la page de garde, figure une sorte de collage avec des bouts de tissus, de laine et de ficelle représentant une petite fille en robe rouge et en tissu écossais, les nattes  en laine jaune. Le petit poète à lunettes, tout fier, soulève alors les vêtements et dessous, il y a des mots inscrits (impossible de m’en rappeler un seul). Je souris un peu gênée, un peu condescendante (je déteste être ainsi mais l’honnêteté m’oblige à l’avouer), le petit poète ne s’en aperçoit pas. Il me prend dans ses bras et me dit : Je ne voudrais pas te chasser mais il est déjà dix heures et il fait nuit, ça ne va pas faire trop tard pour toi ? Je dis : Oh là là, il faut que je me sauve – et c’est bien une fuite qui me pousse dehors. Je ne sais pas où je suis, ni où se trouve la station de métro la plus proche, si je suis loin de la gare du Nord. Je me réveille.

    On se rassure, je n’ai pas l’intention de livrer une analyse du rêve, au demeurant assez limpide pour moi. Non, ce qui est intéressant c’est la suite. Je petitdéjeune, en parcourant quelques Fichaises de Christine Jeanney et là – p.29 - je tombe (c’est dingue, hein ?) sur [20|70] « vous êtes ici » (on se souvient qu’à la fin du rêve, j’étais perdue…) Elle dirait fonction itinéraire inutile code surperflu appréciez sérendipité complète… le mot sérendipité, la première fois que je l’avais lu, je n’avais pas cherché sa définition, mais là, je sens que c’est important. Je saisis le mot sur le dictionnaire de la liseuse. Rien. J’attrape mon vieux  petit Robert papier : rien ! Mais comme je l’ai sous la main, je cherche les mots désuet et obsolète pour vérifier leur emploi et leur synonymie. Je note sur un carnet l’exemple : deux poèmes médiocres du symbolisme le plus désuet (J. Romains) ; enfin, je cherche sérendipité sur le moteur de recherche. Je recopie la définition sur mon carnet[1] : « fait de réaliser une découverte inattendue grâce au hasard et à l’intelligence, au cours d’une recherche dirigée initialement vers un objet différent de cette découverte » et m’interroge sur l’usage désuet du papier et du stylo que j’ai encore. Trop vieille petite fille aux cheveux de laine jaune, je suis aussi le petit poète à lunettes qu’une instance narrative supérieure regarde un peu avec condescendance.

    Ça me fait penser à ça aussi. Ça me fait penser aux livres-hérissons qu’on a faits ces derniers jours avec la plus jeune de mes nièces, aux carnets qu’on a décorés – découpés-collés d’images et de mots, aux marque-pages, à mes découpés-collés… 

    Le petit poète à lunettes

    Le petit poète à lunettesLe petit poète à lunettes

    Ça m’a fait penser à ça, à ce que j’ai lu hier : En attendant cela, le juste mot, la phrase exacte, je vis tout seul dans une maison de mots, une demeure dont les murs sont montés de mots, des mots de ma langue d’avant, des mots de ma langue de ce jour…  Il faut lire « Langue » dans Légendes de Daniel Bourrion. Mais je suis bien bavarde ce matin, et je ne sais toujours pas où je suis, ni où je vais, ni ce qui me semblait si riche tout à l’heure (et qui me paraît bien fragile, bien futile maintenant) Il est tard, je fatigue, et ce billet est bien trop long. S’il y a encore un lecteur ici – « Vous êtes ici » -  il saura mettre des mots sur tout l’implicite du texte, quant à moi, je m’arrête.



    [1] N-d-a : je conseille, si vous n’avez pas encore cliqué sur le lien, de lire la notice intégralement, très riche et intéressante…


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  • découpé-collé #19


    la journée je suis la mer à boire – j’aurais voulu être la nuit – l’imprévisible doit être ouvert la nuit – j’avais toujours rêvé tous les rêves possibles du moment que j’y trouvais de la beauté – aujourd’hui nouveau départ – j’ai accouché un monstre – c’est simplement moi – je vous garantis que – un chat est un chat – je ne me cache pas – ça me faisait froid dans le dos – j’ai examiné la saveur de la peur – il m’est arrivé un peu d’oxygène – les signaux que je n’ai pas eus passent au vert – je change de ton – j’ai du poil à gratter – le mauvais élève qui a d’abord besoin de vos yeux/oreilles sort de sa coquille – si j’étais un peu rien maintenant je suis vivant – l’esthétique du lâcher prise me captive – certains disent que ça se complique – que les travaux ne font que commencer – saleté de prof fantôme je ne vous ai pas interrompu – grains de sable – tant pis – je suis profondément la piste – à suivre !



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