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vases communicants -décembre 2012
Pour ces derniers vases communicants de l'année, c'est avec plaisir que je reçois Elizabeth Legros Chapuis qui écrit des petites fictions portatives et textes non qualifiés sur Fragmentaire. Elle écrit bien d’autres choses notamment sur Sédiments, mais c’est l’heure de lire son très beau texte, La sécurité du voyage. Vous pourrez lire le mien sur Fragmentaire. Ah, j'oubliais, nos deux propositions tournent autour du verbe contourner.
La sécurité du voyage
Il disait qu’il avait besoin, pour traverser ses longues patiences, d’un étendard bien brossé, de quelques provisions qui font mouche, de deux ou trois grilles de lecture qui bosselaient son havresac. Il allait partir à l’aube, après une nuit blanche et noire, nourrie de récits apocryphes. Ses amis pourraient l’entourer sur le quai et agiter leurs mouchoirs bien repassés par leurs accortes servantes. Il ne leur en voudrait pas.
Il disait qu’il passerait par la forêt, qu’il n’avait pas peur, peur de rien, même pas peur, que les loups le suivraient sans lui faire de mal. Son aïeul avait signé un pacte avec leurs ancêtres. Il devrait seulement saluer les arbres en les appelant par leur nom, toucher leur tronc avec respect. Il pourrait dormir recroquevillé entre leurs racines saillantes, puisant ainsi à leur énergie sans cesse renouvelée. Puis repartir au matin frais, au ciel vert, peut-être même en sifflotant.
Il disait qu’il devrait pourtant veiller à éviter les parages de l’étang, de crainte d’y choir. Il emporterait son meilleur portulan, celui de l’école perecquienne, il tracerait sa route en regardant les étoiles dans les yeux. C’est ainsi qu’il arriverait à contourner l’obstacle pernicieux, couvert d’herbes flottantes, qui avait trompé la belle Ophélie. Sa marche serait ensuite triomphale. Au soir flamboyant, il arriverait dans la cité lointaine et laisserait la servante rousse lui tirer les bottes.
Elizabeth Legros Chapuis, décembre 2012.
Chaque premier vendredi du mois, ont lieu Vases Communicants; qui-veut invite sur son blog qui-veut et ces deux-là se mettent à écrire sur un thème, une consigne, une image... Brigitte Célérier - la remerciera-t-on jamais assez - patience et persévérance incarnées - dresse la table des convives et vous invite à consulter le menu ici.
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Commentaires
Ainsi grâce à son portulan, lui et son porte-lance se seraient enlassés, élancés, sans élancements, sans tomber, à l'aube, dans l'eau de là.
Très beau, Élizabeth. Merci.
Amitiés, Zéo Zigzags
Merci à toi mel13 pour ton hospitalité et ta mise en image, merci à toi Zéo pour ta lecture et ton prolongement du texte, tout à fait dans son esprit...
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Merci Elizabeth, c'est un très beau texte que tu m'offres ici: tu n'as pas contourné la contrainte, c'est comme un voyage à travers la littérature, dans les images archétypales qu'elle véhicule... la servante rousse et le portulan de l'école perecquienne: superbes! merci et au plaisir de te lire :-)