• Vases communicants (4) décembre

    Chaque premier vendredi du mois, dans le cadre des Vases Communicants, des couples éphémères se constituent pour échanger un texte sur le blog de l'autre. Comme il s'agit du dernier échange de l'année 2011, Xavier Fisselier a proposé qu'on écrive sur la thématique de la fin ou de la fin d'année. C'est donc son très beau texte que j'accueille ici. La photo est de Xavier aussi.

    Vases communicants (4) décembre


     



    Fin d'année



    La nuit ne tombe pas encore assez tôt pour que l'on se comprenne. Les repères aspirent à s’éliminer, insensiblement, les uns à la suite des autres. Et tu t’interroges sur ce que deviennent ces repères, ces pistes qui apparaissaient comme tracées à l’infini, à perte de vue? Leur lecture est hasardeuse, ton imagination essaie de prendre le dessus. Les marques laissées de part et d’autre dorénavant sont muettes et se hasardent à jouer cette mélodie entêtante et silencieuse, celle qui capitonne l’agora où se déposent les reliquats de nos souvenirs. Pas les désirés mais ceux que l’on a vécus. Vous, toi, moi. Les autres s’estompent, ils se sont effacés à force de les craindre et de les refouler. Le moment n’est plus au “j’aurais voulu, j’aurais aimé...”. Le temps n’est plus là où il s’était étendu, et toi avec lui. Il n’est pas là où tu l’as laissé, ni là où tu désirerais qu’il soit. Il s’est dévidé de manière invisible, au même rythme qu’il l’a toujours fait. De manière imperceptible et pourtant si présente, il s’est installé là au-dessus de toi, en toi, sans que tu ne le perçoives il était déjà là, et tu ne le savais pas ou faisais mine de ne pas le saisir du regard, car, à ta décharge, tu sais qu’il te survivra, immanquablement, irrésistiblement, comme il l’a fait depuis le premier jour, ce premier jour que nous n’avons connu mais que l‘on sent, si oppressant parfois, courir à flot entre nos veines. Il te nargue et tu te révoltes. Ta main ne peut l’accrocher. Oui, nous le portons en nous, quelque part et partout à la fois. Il nous traverse et nous foudroie, ses traces sont minutieusement réparties pour que tu ne puisses les voir lorsque tu t’éloignes de toi parce que l’on ne s’éloigne jamais de lui. Il passe si vite, et le bruit reprend, à son aise, il ne peut se résoudre à suivre une autre voie, une autre voix. La fenêtre est ouverte depuis toujours, depuis le premier le premier jour, et il s’engouffre dedans, rien ne l’arrêtera. Alors tu avances et tu comprends tes souffrances, une à une, elles sont tiennes, uniques, indivisibles et non partageables. Tu l’as deviné quand tu as approché cet espace si proche de toi. À cet instant là, s’est abattu cette conscience de ne l’avoir vécu. Seules les douleurs savent revenir avec intensité, les bonheurs eux se jouent de nous à l’unité, au “coup par coup” mais pas la souffrance, pas la douleur. Tu t’obstines à les oublier, à les dissimuler.  

    Tu dois le faire, tu le sais et tu trépignes d’impuissance et d’inquiétude. 

    La nuit s’avance, le jour d’après est peut-être déjà là mais tu ne sais comment distinguer la fin d'année. 


     Tiers Livre et Scriptopolis sont à l'initiative d'un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d'un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… "Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre."

    Pour accéder à la liste des Vases communicants de décembre, cliquer sur un des liens. On pourra lire mon texte sur le site de Xavier Fisselier.




  • Commentaires

    1
    Vendredi 2 Décembre 2011 à 07:28
    xav'
    Bonjour Christine,
    Encore un grand merci à vous d'avoir déposé ces mots chez vous, dans votre cabane.
    Très bonne journée, bien à vous. Xavier
    2
    mel13 Profil de mel13
    Vendredi 2 Décembre 2011 à 12:28

    @ xav' Ce fut un plaisir de vous accueillir encore une fois dans ma cabane pas très confortable... Et que dire de votre boîte à rêves dans laquelle vous avez recueilli les miens... sinon merci.

    3
    D3
    Vendredi 2 Décembre 2011 à 21:38

    Texte .....etsansciel ...a lire le souffle un peu coupé  ,,,,qui nomme et décortique les sensations et les sentiments ,qui aide a faire un stop dans la bourrasque du temps qui passe et qui dépasse ,,,,ou je trépasse   ,,,presque .    Je vais guetter cette fin d'année comme une sentinelle rigoureuse ,afin qu'elle ne bouscule pas l'ordre des jours   ,,,merci pour cette poétique " remise a niveau ;

    4
    Vendredi 2 Décembre 2011 à 22:14
    Je suis très touché par votre commentaire. Surtout, ne prenez pas ce texte à la lettre, je ne sais malheureusement pas écrire des mots très gais. Merci à vous cher(e) D3. Xavier
    5
    Vendredi 2 Décembre 2011 à 22:15

    En cette fin d'année votre texte ce dégage pourtant très bien dans sa qualité

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