• islandais deuxième langue

      

     

    islandais deuxième langue

     

     

    Si c’était à refaire, je prendrais islandais deuxième langue. J’aurais traduit des auteures islandaises avec des accents sur les « i », sur les « o » et sur les « u » – aigus les accents, surtout pas graves – de leur nom et à la langue aiguë aussi. J’aurais joué du chaud, du froid, du gutturalement biscornu, j’aurais même surmonté le dégoût de manger de la pâtée pour chat– goût de sang et de fer mêlés – en écrivant des textes extrêmes explosant sur la langue. Mieux, si c’était à refaire, je serais Gudrún Eva Mínervodóttir, je publierais un recueil de nouvelles chez un éditeur à belles couvertures – à la mémoire de Zulma vierge-folle hors barrière et d’un louis (Tristan Corbière) et dont le titre évoquerait déjà une familière étrangeté à la lectrice qui se prendrait pour moi. En français cela s’appellerait Pendant qu’il te regarde tu es la vierge Marie. Par petites touches, je crée une intimité, une atmosphère presque banale que je fais basculer d’une simple phrase, presque terne pas du tout tapageuse. Ainsi, la fin de la nouvelle «Avant tout, respecter l’intimité du foyer » : Je fis couler de l’eau dans la casserole pour faire cuire les œufs durs à mettre sur le pain pour la pause-café et là, tout à coup, il me sembla n’avoir jamais été aussi seule au monde de toute ma vie. Je me retins de pleurer, mais je ne pus m’empêcher d’avoir envie de mourir. J’ouvris le réfrigérateur et m’aperçus que j’avais oublié d’acheter des œufs. Ou encore dans la nouvelle évoquée plus haut où une mère oblige un enfant à manger de la pâtée pour chat, « Elle est en train de perdre les eaux » :

      

    Maintenant elle est en train de perdre les eaux.

     

    -       Qui ? ai-je demandé, sachant bien de quoi il s’agissait parce que j’ai beaucoup de livres sur le corps humain.

     

    -       La nature. C’est sûrement la fonte des neiges dehors en ce moment et tout est inondé. Je suis sûr que tout sent le pourri et l’humus et qu’un printemps mouillé tout frétillant est en train de naître. C’est drôle que la naissance soit accompagnée d’une odeur de décomposition, tu ne trouves pas ?

      

    Ou toujours dans la même nouvelle : Je m’étais toujours représenté la neige comme quelque chose de comparable à la poussière en suspension dans l’air quand on enlève  l’abat-jour de la lampe et c’est ce que j’ai dit à mon frère. Il  a répliqué :

      

    -       La neige qui tombe par temps calme sous les réverbères est comme de fraîches et jolies jeunes filles, tandis que ta poussière est comme de vieilles femmes tordues et rabougries. 

      

    Si c’était à refaire, je prendrais islandais deuxième langue. J’en parlerais beaucoup mieux.

      

     

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