• Je meurs dans un quart d'heure. Un quart d'heure pour solde de tout compte. Rapide balayage mental pour vérifier si j'ai rien oublié avant de partir. Fermé l'eau et l'électricité. Donné à manger au chat et aux poissons. (Sissi s'en occupera très bien). Payé les factures et de ma personne n'est parfait. jeté les virgules et les majuscules - écrit mes mémoires sans aucun je - la dernière chose donc: grimper cette côte pentue - gravir ce puech en attendant - un boulevard d'illuminés - sont tous venus voir en attendant la fin du monde - moi aussi d'accord mais moi c'est pour ma fin du monde - plus je monte plus je descends - sens plus mes jambes (ai-je des jambes?)-sans jambes - s'enjambe (quel obstacle?)- impression que tout s'inverse y compris le sens du sang dans mes jambes - pas passé un mauvais quart d'heure - tout compte fait - arrivé au sommet - meurs pas - tout compte fait - un autre je naît.



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  • Pas de suite dans les idées, comme le vent, envie de le prendre en photo le vent, parti le vent, envie de travailler, trop travaillé ce matin, plus envie de travailler, mais pas envie de repos non plus, juste cette petite chose, petit centon avec des riens miens, pour délasser, demain je saurai,  vous expliquerai.

    guili-guili


    j’ai laissé choir mon prince de Nonchaloir

    pour retrouver certaine gaiyeté d’esprit

    conficte en mespris des choses fortuites

    temps presse et tempête dans un crâne

    pour fruits peut-être pas assez mûrs sur

    la paille sèche linge lavandière alanguie

    guili-guili ! guili-guili ! fait son galant

    lâché Rabelais, Charles d’Orléans pour

    m’abreuver à La Fontaine tandis que Lola

    Montes m’appelle de là-haut là-bas et que

    baudelairise Guy de Maupassant en allon-

    geant  dans la mer sa jambe de géante ainsi

    du luxe et de l’impuissance je retiens l’idée

    lagarcienne de conserver au centre de notre

    monde le lieu de nos incertitudes sans guille-

    mets mais guillerette, guili-guili sans italique

     

     



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  • Continuant à recycler (en profitant pour faire un peu de ménage), je suis tombée sur ce texte qui fut le début d'un roman épistolaire à deux mains, l'été 2004, avec Virginie S. Je le livre ici surtout parce qu'il a le mérite d'être court...


    Alors c’est décidé ? Vous voulez apprendre à écrire par correspondance. En êtes-vous bien sûre ? Réfléchissez bien avant de me répondre ou de ne pas me répondre. N’avez-vous rien de mieux à faire à l’instant ? Regarder les nuages passer dans le ciel (ce matin, une colonne vertébrale de girafe s’est dissipée dans le ciel comme le souhait de cet étudiant de ne pas tomber su ce sujet oh combien retors à l’examen final) faire de la confiture de framboises ou un gâteau au chocolat, participer à un stage de théâtre ou partir en vacances, par exemple. C’est un peu indécent de payer alors que d’autres à Marseille, à deux pas de chez vous se battent pour continuer à vivre du chocolat ou du café qu’ils conditionnent. Il y a tout un tas de choses à faire de vos congés, et sûrement plus fructueuses que l’écriture. Ou alors si vous y tenez, vous pourriez apprendre à écrire et à lire le tibétain, de nombreux cours sont proposés sur le net à côté des miens et certains n’émanent pas de charlatans. Non, vraiment ?  Vous voulez apprendre à écrire tout court. Pourtant, d’après votre lettre, vous me semblez posséder tout ce qu’il faut pour vous lancer toute seule: pas de problème de syntaxe et d’orthographe, un style agréable même, alors qu’est-ce qui vous pousse à avoir recours à mes services ? Vous avez besoin de lanceurs et de consignes ? Achetez « Détective » ou « La Provence » et prenez un article que vous développerez à la première personne selon deux points de vue différents, ou prenez le dictionnaire et prenez trois mots au hasard que vous devrez placer obligatoirement dans votre texte, ou prenez une image ou une petite annonce et écrivez tout ce qui vous passe par la tête. Qu’attendez-vous de moi ? Qu’attendez-vous de l’écriture ? Pourquoi ne vous inscrivez-vous pas à l’un de ces nombreux ateliers d’écriture qui fleurissent ici et là et qui font travailler ces étudiants en DEUST métiers du livre et qui présentent l’intérêt de se voir confronter aux autres, à la réception des textes ?

     

     

    Puisque vous n’y tenez pas, je vais vous donner un bon conseil, n’écrivez pas pour être lu, encore moins pour être publié, encore moins pour être guéri, encore moins pour vivre. Qu’attendez-vous de moi ? De répondre à la question du pourquoi écrire ou du comment écrire ?



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  •  

    Recyclage: extrait d'une scène de ma première pièce de théâtre, écrite en 2005 pour les Électrons flous, qui ne s'appelaient pas encore comme ça... Un explorateur (Jean-Louis) et sa femme débarquent sur une île pour une mission scientifique. Ils y découvrent un petit groupe d'Européens disparus volontaires...


    Mado a tendu un livre à Dodo qui d’abord le renifle, se livre à quelques facéties joyeuses puis va se mettre à lire à l’autre bout de la scène, laissant Jean-Louis face à Mado.

     

    Jean-Louis : - Il a l’air de bien vous aimer, non ?

    Mado : - Oui, c’est un gentil garçon : il n’a pas eu de chance dans la vie.  

    Jean-Louis : - Je ne vous comprends pas. Vous avez un mari, des enfants ? Qu’est-ce qui vous amené ici ?

     Mado : Oh, moi vous savez, c’est tout simple. J’enseignais le français dans un collège à Marseille, même pas classé zone sensible, non, non, un collège ordinaire avec des gamins ordinaires. Ce jour-là, c’est apparu comme une évidence : ce que je faisais n’avait plus aucun sens. Je venais de terminer un cours sur les valeurs du présent : présent de vérité générale, d’actualité, d’habitude, de narration… Je me suis rendue compte que je n’habitais plus mon présent : ces paroles répétées chaque année étaient vides de sens, désincarnées, abstraites pour ces gamins qui ne vivaient qu’un seul présent. Le beau présent de leur jeunesse qu’on musèle, qu’on enferme huit heures par jour dans de tristes murs devant de tristes sires… J’ai profité des dernières minutes avant la sonnerie pour leur parler du questionnaire de Proust et leur posé la fameuse question : « Quel livre emporteriez-vous dans une île déserte ? » L’un d’entre eux me l’a renvoyée à la figure : « Et vous madame ? » Et je me suis rendue compte que je ne savais pas. La sonnerie de midi a retenti, les élèves sont sortis et je suis restée immobile, incapable de bouger.

    Dodo : : - Ca veut dire quoi, « pourceaux » Mado ?

    Mado : - Ce sont des porcs, Dodo : Circé a transformé les compagnons d’Ulysse en porcs.

    Dodo : - Circé ogresse, bougresse. Cochonne de vie.

    Mado : - Oui, Dodo, va poursuivre ta lecture, j’arrive bientôt.

    Jean-Louis : - Et c’est ce jour-là que vous avez disparu ?

    Mado : J’ai pris un sandwich, et j’ai marché jusqu’au parc près de l’hôpital pour le manger. Et puis je suis revenue devant le collège, mais je n’ai pas pu y entrer. J’ai continué à marcher, empruntant des petites rues que je ne connaissais pas, j’ai élargi mon circuit et me suis retrouvée devant le collège, sans me résoudre à y entrer. J’ai encore marché, agrandi le cercle. En regardant un  arbre aux fleurs pourpres dans un jardin, je me suis dit que je ne connaissais même pas son nom et ma vie pleine de mots m’a paru vaine. J’ai marché longtemps, hébétée, décrivant des cercles de plus en plus larges. L’heure de la reprise des cours était depuis longtemps dépassée et c’était délicieusement grisant, cette école buissonnière, moi qui avais passé vingt ans de ma vie à noter scrupuleusement les absences de mes élèves.

    Jean-Louis : - Mais à quoi pensiez-vous pendant cette escapade ?

    Mado : - A rien justement. Je pourrais dire que je pensais à mes élèves, à mes enfants et à mon mari, aux romans que je lisais alors, mais non, je ne pensais à rien. Pour une fois, le bourdonnement incessant de mes pensées avait cessé. J’étais dans mes pas, dans les odeurs du printemps, dans l’instant présent et plus dans la fiction qu’était devenue ma vie.

     Jean-Louis : - Ne me dites pas que vous n’aviez jamais ressenti cela ? Je ne peux pas y croire. 

    Mado : - Et pourtant c’est la vérité.  Rien de commun avec la gratuité de ce moment. Les instants de détente qu’on s’octroie sont comptés, minutés par les taches qu’on sait devoir accomplir après. Notre capacité d’émerveillement en est du coup limitée. Là je n’avais plus de bornes. J’ai pris la voiture jusqu’à l’aéroport, un billet pour Acapulco- j’ai toujours eu envie de voir ces plongeurs qui sautent de si haut- moi aussi j’ai fait le grand saut…

     


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  • le dit de la théièreJ'ai un air de fandango dans la théière qui s'entête à ne pas sortir de la tête. Faut dire que si je joue des castagnettes et les Lola Montès c'est que coule en moi un sang rouge et bouillant comme la lave. Et ce n'est pas une métaphore. Elle ne connaît toujours pas la manière de faire chauffer l'eau pour le thé. Les yeux de crevette, c'est pas les yeux de dragon, quand même! Les petites bulles au fond de la casserole, pour le thé vert et celles qui roulent à la surface de l'eau, c'est pour les thés rouges, noirs ou pu-erhs. Je ne parle pas chinois, tout de même. Elle a rien dans la cafetière, elle préfère déclamer des alexandrins de Corneille, se prenant pour une magicienne en accointance avec les Enfers: Et vous, troupe savante en noires barbaries,/ Filles de l'Achéron, pestes, larves, Furies, tout ça parce que son prince de Nonchaloir l'a laissée choir, la bannissant de liesse à tout jamais. 

    Et si en moi le thé refroidit, il n'a toujours pas coulé en sa tasse. Et j'ai toujours ce maudit air de fandango dans ma tête qui s'entête à jouer des castagnettes.

     


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