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    Elle se reconnaîtra.

    Je l'ai reconnue il y a des années qu'on ne compte plus. Elle compte plus pour moi que son âge et quoi qu'il arrive, je peux compter sur elle, avec elle, loin d'elle, toujours près. Ce qu'elle lit, je le lis un jour ou l'autre, ce qu'elle écrit, je le savoure sans m'en lasser; c'est une découvreuse, une curieuse, une généreuse. Une rêveuse, aussi passionnément. Elle a porté bien des noms et du taffetas bruissant sous des robes. La dame en bleu se souvient, a-t-elle un jour écrit. Ses chapeaux ne furent pas tous à voilette. Les rires et les lilas emplirent notre jeunesse. Les cahiers et les livres, les livres et les cahiers envahissent nos greniers. Elle vit dans ma théière à ballons et dans mon stylo à plume. C'est un bol chantant dont le son persiste longtemps à l'oreille et au coeur après l'avoir fait tinter. J'ai du bol, c'est mon amie.

    Je lui écrirai demain pour lui souhaiter un bon anniversaire.





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  • ça

    ça

     

    Ça veut dire quoi, ça?

    Ça se prend pour Sa majesté ça toise ça réduit à moins que rien que rien que ça?

    Ça prend deux lettres et ça prend de haut?

    Ça donne des leçons de morale et ça est même pas foutu de knockouter son surmoi?

    Ça se grime ça frime et ça s'arrime à une cédille... imaginez ça sans ce ridicule appendice...

    Ca perd de sa superbe quand ca devient la première syllable de la merde enfantine, le caca, eh ca porte bonheur...

    Ka veut dire quoi ka?




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  • crever la bulleTu n'as qu'à le faire, tu verras bien. Dit-il, les pieds en l'air. Pas si simple. Ai-je envie de lui répondre. Mais je ne le fais pas, je m'économise. Pour l'instant, la tête à l'envers, il se sent aussi léger que l'air, le vrai, celui à l'extérieur. Je donnerais n'importe quoi pour sentir le vent sur la peau et l'iode respirer. Même le parfum entêtant de cette fleur que je n'ai jamais vraiment réussi à aimer, une fois encore l'inspirer, juste pour me rappeler. Cette fête du mimosa n'est ni la première, ni la dernière. D'autres carnavals, d'autres corsos suivront et seront mon calvaire. Les méduses, gonflées à bloc, tiennent conciliabule. Elles ont beau avoir l'air de vieux bonnets de dentelle pour vieilles demoiselles, ces mégères médusent les spectateurs assemblés. Ils ne savent pas ce qu'elles nous font endurer le reste de l'année, ce que nous nous abaissons à faire pour les satisfaire, nous les créatures de la bulle pour gagner notre ration d'air. Nous jouons les étoiles de mer voltigeuses et si notre prison transparente semble bien poétique, c'est que vous n'avez jamais joué les étoiles de mer voltigeuses.

    Je vrille sur l'algue dressée, m'apprête à basculer tête la première. La sueur dégouline sous ma peau de lycra. Le soleil m'éblouit, je ne sais pas si je vais tenir encore longtemps. À moins que je ne saisisse ma chance. Ce serait le moment. Avant que le char ne tourne de l'autre côté, avant que les méduses redeviennent nos cerbères enrubannés. J'ai repéré une faiblesse dans la structure plastifiée, et au moment de plonger, je pourrais facilement la crever. S'il ne veut pas tenter le coup, libre à lui. Je ne veux plus vivre le reste de ma vie comme une attraction de carnaval, dans ma bulle. 




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  • chameau dans la neigeAinsi donc, la lettre C serait à l'origine une bosse de chameau, le guimel qui proviendrait lui-même du gamal, signifiant "chameau". Ainsi donc, ce chameau aurait traversé les déserts, avec sa compagne, pour chercher pitance dans la garrigue encore enneigée. Alors comme ça, les bosses rousses roulées en boules auraient donné aux hommes la troisième lettre pour lire le monde et l'ouvrir sur les autres. Ces bêtes placides et toutes en courbes, pas vraiment belles, auraient aussi inspiré une marque de cigarettes dont la fumée ferait voyager loin sans ménager la monture. C comme caravansérail, chapiteau ou camions  jaune et rouge du "Cirque Univers". La photographe les laisse hors-champ. Délibérément. Elle ne veut voir que caravansérail sur la route des grands voyageurs. Ne veut que rêver en ces temps de grand froid, grande disette et grand désarroi.

    Alors comme ça - il n'en aurait pas toujours été ainsi- ce chameau aurait été le plus beau pour cette chamelle et cette chamelle la plus belle pour ce chameau. Ainsi, donc ils auraient fait un long voyage, traversé les déserts de Gobi et d'ailleurs pour blatérer à Schérazade leurs contes des mille et une neiges.



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  • bonhommes de terre dans la neigeC'est vrai. Ne le fais plus. N'en ai plus envie. Au lieu de ça, mes lèvres bougent, s'agitent, s'étirent sans sourire ou forment des ronds par lesquelles trépassent des borborygmes ou des cris inarticulés. Ça c'est le jour. La nuit, je rêve de lettres: rêvé toute une nuit d'un le lendemain d'un o. Pas même assez pour faire un mot dans la semaine. Quant aux lectures, elles tournent autour de la vis, de la violence impossible à penser à représenter, que Shakespeare, Sarah Kane et Boltho Strauss représentent pourtant. J'essaie de comprendre les limites de ce que je peux supporter. La langue et les mains coupées de Lavinia, le bras de Chiron qui reste accroché à l'épaule de Titus qui vient de le tuer- non, cela me fait rire- mais les viols de Ian de Cate, les yeux de Ian arrachés par le Soldat, le bébé mort mangé, tous ces mots transformés en images insupportables, obscènes, j'essaie de les supporter. De mettre à distance l'émotion, d'analyser mes rejets. Tente de regarder Skin de Sarah Kane, en vain.

    Alors, oui, c'est vrai, j'aspire à la légèreté parfois. Et aussi ne pas partager. Regarder tomber la neige. Aller à Tokyo, en m'éloignant des clichés -le contraste tradition/modernité- à la recherche d'un trait léger. Me remettre à jouer. Posé dans la neige trois bonhommes toujours en chambre enfermés. Grossièrement taillés, ne sais plus exactement d'où ils viennent - Amérique du sud, je crois-, ni ce qu'ils représentent. Seul souvenir: A., la personne qui me les a offerts et qui n'est plus. Mes bonhommes ont les yeux fermés sur mon coeur gelé, mes obscénités. Soudain, surgit une phrase incongrue, sortie d'un rêve qui n'a pas encore eu lieu: J'ai nuagé jusqu'à tes papillons pour en faire des [sibiz] - ci-bees, C.B's?


     


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