• Ce n'est pas un geste qui le grandit celui qui fait entrer Aimé Césaire au Panthéon aujourd'hui. Plus grand honneur à celui qui le lit. Plus ma sympathie. Aimé connaissait-il "l'histoire de Serpent-Noir" que raconte Nâzim Hikmet, au livre premier de L'épopée de la guerre d'Indépendance, dans Paysages Humains ?

    Le Serpent-Noir

                         - avant d'être le Serpent-Noir -

    était journalier dans les villages d'Antep.

    Il était malheureux peut-être, ou heureux

    (on ne lui avait jamais laissé le temps d'y penser),

    il vivait comme un rat des champs,

                         et il était poltron comme un rat des champs.

    La bravoure, c'est affaire de cheval, d'arme et de terre.

    Il n'avait, lui, ni cheval, ni arme, ni terre.

    Son cou était aussi frêle qu'un brin d'herbe,

             et sa tête, aussi énorme qu'aujourd'hui,

                     le Serpent-Noir,

                             avant d'être le Serpent-Noir.

    Paysages humains, Nâzim HIKMET, éditions Parangon, 2002, Poèmes traduits du turc par Munevver Andaç, p. 52-54.

    Ensuite, Nâzim raconte comment le paysan anatolien qui ne s'appelle pas encore Serpent-Noir se cache dans un pistachier où il cachait sa peur face aux envahisseurs, puis couché à plat sous la tige d'un rosier, il voit derrière une pierre blanche un serpent noir dresser la tête.

                     Soudain

                                une balle

                                             vint lui arracher la tête,

                                                            la bête s'écroula.

    Voyant le sort du serpent,

    le Serpent-Noir

    - qui n'était pas encore le Serpent-Noir -

    hurla de toutes ses forces

                          la première réflexion de sa vie:

                          "Tires-en leçon,

                                                ô mon coeur fou,

                           tu pourrais te cacher dans un coffre de fer

                           qu'elle te trouverait,

                           la mort qui trouva le serpent noir

                           derrière la pierre blanche..."

    Et quand celui qui vivait comme un rat des champs

    et qui était poltron comme un rat des champs

    se leva, bondit en avant,

    une terreur sacrée s'empara des gens d'Antep,

                           ils se lancèrent à sa suite,

    ils vainquirent les giaours sur les collines,

    et celui qui,

                    vivant comme un rat des champs,

                               était poltron comme un rat des champs,

    ils le nommèrent le Serpent-Noir...

    Et voilà comment "nous fut contée cette histoire" et comment Nâzim Hikmet est entré dans mon Panthéon personnel aux côtés d'Aimé, d'Anna pour ne parler que des derniers arrivés... Alors franchement la mascarade au Panthéon...

                     

      


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  • derniers billets

    Vu de jeunes Japonaises fêter fragiles les premières fleurs de cerisiers. Tenu au Val le jeune pêcher pour fragile pousser droit. Entendu le printemps faire la java avec les oiseaux, ce matin, de bonne heure, fragile. Entretenu le lien ténu avec un rêve inachevé. Nerfs à fleur de peau, au bord des larmes débordant vite, fragilité pas rose à vivre. Mais à vivre quand même, comme vivent les fleurs de pêchers.

    Je n'aime pas le printemps: il me fragilise, me fait pleurer le pollen du nez, et aussi sur la beauté éphémère des fleurs des arbres fruitiers.

    J'aime le printemps, fugace et fragile. C'est bête, hein?

    Je n'aime pas le printemps: il me rend mièvre.

     

     


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  • Nouvelles ont couru en France

    Par maints lieux que j'étais mort;

    Dont avaient peu déplaisance

    Aucuns qui me haïssent à tort;

    Autres en ont eu desconfort,

    Qui m'aiment  de loyal  vouloir,

    Comme mes bons et vrais amis.

    Si fais à toutes gens savoir

    Qu'encore est vive la souris!

    Voilà, c'est une des ballades de mon ami le duc, Charles d'Orléans, avec lequel je gagne temps, et perds mainte semaine mais c'est pour comprendre Fortune avant de me reposer en mon manoir de Nonchaloir. Encore un peu de patience mes chers lecteurs, mais pour l'heure, je vais rejoindre Aimé, un autre de mes nouveaux amis...

    la communication par hoquets d'essentiel

    j'apprécie qu'elle se fasse à tâtons

    et par paroxysme

    au lieu de quoi elle sombrerait inévitablement

    dans l'inepte bavardage de l'ambiant marécage

                  Aimé Césaire, Ferrements et autres poèmes, éd. Points/seuil, Comme un malentendu de salut... (1994), "Vertu des lucioles", p. 168.

     

     


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  • J'ai décidé de devenir grosse et con, depuis trente-sept jours j'y oeuvre pour de bon, mangeant plus que de raison... Mais en attendant la grosse dondon, je lis Anna:

    Je n'ai que faire des odes et de leurs bataillons,/ Des subtiles élégies et de leurs séductions;/Pour moi, il faut dans les vers que tout soit à côté,/ Pas comme chez les gens.

    Si vous saviez avec quelles ordures/ On fait pousser les vers, sans la moindre honte,/ Comme un pissenlit jaune près de la clôture,/ Comme les bardanes et l'arroche.

    Un appel irrité, l'odeur du goudron frais,/ Une mystérieuse moisissure sur le mur.../ Et le vers chante déjà, railleur, tendre,/ Pour votre joie et la mienne.

    1940

    Anna AKHMATOVA, Requiem, éd. "Poésie/Gallimard", 2007,"Course du temps", p. 312.

    Quant au duc, il me donne plus de mal.

     

     

     

     


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  • derniers billetsContre toute attente, apparaît un nouveau ciel: une poétesse russe dont je m'éprends peu à peu, qui me prend dans ses vers: Anna Akhmatova.

    Contre toute attente, ces vers de Roseau lus hier avec L. ne nous ont pas déplu.

    A l'heure où s'écroulent les mondes,

    Recevez ce don de printemps

    Qui vient de l'ombre au-delà du Léthé,

    En réponse à de plus beaux dons,

    Pour que, toujours indestructible,

    Fidèle malgré les saisons,

    La haute liberté de l'âme

    Qui porte le nom d'amitié,

    Me sourie aussi gentiment

    Qu'il y a trente ans...


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