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Par mel13 le 6 Avril 2011 à 19:23
Ce n'est pas un geste qui le grandit celui qui fait entrer Aimé Césaire au Panthéon aujourd'hui. Plus grand honneur à celui qui le lit. Plus ma sympathie. Aimé connaissait-il "l'histoire de Serpent-Noir" que raconte Nâzim Hikmet, au livre premier de L'épopée de la guerre d'Indépendance, dans Paysages Humains ?
Le Serpent-Noir
- avant d'être le Serpent-Noir -
était journalier dans les villages d'Antep.
Il était malheureux peut-être, ou heureux
(on ne lui avait jamais laissé le temps d'y penser),
il vivait comme un rat des champs,
et il était poltron comme un rat des champs.
La bravoure, c'est affaire de cheval, d'arme et de terre.
Il n'avait, lui, ni cheval, ni arme, ni terre.
Son cou était aussi frêle qu'un brin d'herbe,
et sa tête, aussi énorme qu'aujourd'hui,
le Serpent-Noir,
avant d'être le Serpent-Noir.
Paysages humains, Nâzim HIKMET, éditions Parangon, 2002, Poèmes traduits du turc par Munevver Andaç, p. 52-54.
Ensuite, Nâzim raconte comment le paysan anatolien qui ne s'appelle pas encore Serpent-Noir se cache dans un pistachier où il cachait sa peur face aux envahisseurs, puis couché à plat sous la tige d'un rosier, il voit derrière une pierre blanche un serpent noir dresser la tête.
Soudain
une balle
vint lui arracher la tête,
la bête s'écroula.
Voyant le sort du serpent,
le Serpent-Noir
- qui n'était pas encore le Serpent-Noir -
hurla de toutes ses forces
la première réflexion de sa vie:
"Tires-en leçon,
ô mon coeur fou,
tu pourrais te cacher dans un coffre de fer
qu'elle te trouverait,
la mort qui trouva le serpent noir
derrière la pierre blanche..."
Et quand celui qui vivait comme un rat des champs
et qui était poltron comme un rat des champs
se leva, bondit en avant,
une terreur sacrée s'empara des gens d'Antep,
ils se lancèrent à sa suite,
ils vainquirent les giaours sur les collines,
et celui qui,
vivant comme un rat des champs,
était poltron comme un rat des champs,
ils le nommèrent le Serpent-Noir...
Et voilà comment "nous fut contée cette histoire" et comment Nâzim Hikmet est entré dans mon Panthéon personnel aux côtés d'Aimé, d'Anna pour ne parler que des derniers arrivés... Alors franchement la mascarade au Panthéon...
2 commentaires -
Par mel13 le 2 Avril 2011 à 19:54
Vu de jeunes Japonaises fêter fragiles les premières fleurs de cerisiers. Tenu au Val le jeune pêcher pour fragile pousser droit. Entendu le printemps faire la java avec les oiseaux, ce matin, de bonne heure, fragile. Entretenu le lien ténu avec un rêve inachevé. Nerfs à fleur de peau, au bord des larmes débordant vite, fragilité pas rose à vivre. Mais à vivre quand même, comme vivent les fleurs de pêchers.
Je n'aime pas le printemps: il me fragilise, me fait pleurer le pollen du nez, et aussi sur la beauté éphémère des fleurs des arbres fruitiers.
J'aime le printemps, fugace et fragile. C'est bête, hein?
Je n'aime pas le printemps: il me rend mièvre.
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Par mel13 le 30 Mars 2011 à 20:07
Nouvelles ont couru en France
Par maints lieux que j'étais mort;
Dont avaient peu déplaisance
Aucuns qui me haïssent à tort;
Autres en ont eu desconfort,
Qui m'aiment de loyal vouloir,
Comme mes bons et vrais amis.
Si fais à toutes gens savoir
Qu'encore est vive la souris!
Voilà, c'est une des ballades de mon ami le duc, Charles d'Orléans, avec lequel je gagne temps, et perds mainte semaine mais c'est pour comprendre Fortune avant de me reposer en mon manoir de Nonchaloir. Encore un peu de patience mes chers lecteurs, mais pour l'heure, je vais rejoindre Aimé, un autre de mes nouveaux amis...
la communication par hoquets d'essentiel
j'apprécie qu'elle se fasse à tâtons
et par paroxysme
au lieu de quoi elle sombrerait inévitablement
dans l'inepte bavardage de l'ambiant marécage
Aimé Césaire, Ferrements et autres poèmes, éd. Points/seuil, Comme un malentendu de salut... (1994), "Vertu des lucioles", p. 168.
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Par mel13 le 24 Mars 2011 à 17:34
J'ai décidé de devenir grosse et con, depuis trente-sept jours j'y oeuvre pour de bon, mangeant plus que de raison... Mais en attendant la grosse dondon, je lis Anna:
Je n'ai que faire des odes et de leurs bataillons,/ Des subtiles élégies et de leurs séductions;/Pour moi, il faut dans les vers que tout soit à côté,/ Pas comme chez les gens.
Si vous saviez avec quelles ordures/ On fait pousser les vers, sans la moindre honte,/ Comme un pissenlit jaune près de la clôture,/ Comme les bardanes et l'arroche.
Un appel irrité, l'odeur du goudron frais,/ Une mystérieuse moisissure sur le mur.../ Et le vers chante déjà, railleur, tendre,/ Pour votre joie et la mienne.
1940
Anna AKHMATOVA, Requiem, éd. "Poésie/Gallimard", 2007,"Course du temps", p. 312.
Quant au duc, il me donne plus de mal.
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Par mel13 le 20 Mars 2011 à 17:51
Contre toute attente, apparaît un nouveau ciel: une poétesse russe dont je m'éprends peu à peu, qui me prend dans ses vers: Anna Akhmatova.
Contre toute attente, ces vers de Roseau lus hier avec L. ne nous ont pas déplu.
A l'heure où s'écroulent les mondes,
Recevez ce don de printemps
Qui vient de l'ombre au-delà du Léthé,
En réponse à de plus beaux dons,
Pour que, toujours indestructible,
Fidèle malgré les saisons,
La haute liberté de l'âme
Qui porte le nom d'amitié,
Me sourie aussi gentiment
Qu'il y a trente ans...
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