• Groupe Urbain d'Intervention Dansée

    Tout de noir vêtus, certains pourvus de genouillères matelassées, d'autres d'imperméables, ils investissent le boulodrome armés de chaises et de bouteilles d'eau minérale. Sept en tout, trois filles et trois garçons, soulèvent la poussière, se roulent dedans, la font danser dans la lumière et l'ombre des platanes. Les boulistes râleront demain en arpentant leur terrain tout cabossé mais aujourd'hui, c'est le G.U.I.D du Ballet Prejlocaj qui intervient de manière aussi musclée qu'insolente. Insolentes aussi leur jeunesse, leur santé, leur peau bronzée. Ils pourraient faire peur s'ils servaient un idéal de force conquérant et piétinant tout ce qui n'est pas comme eux, mais pour l'heure ils ne piétinent que la poussière et le public moins jeune, moins beau, semble conquis d'emblée. Au bout de quelques minutes, les tenues des danseurs grises de poussière, épousent la condition des loqueteux et miséreux de tous bords. Lorsque deux d'entre eux enfilent un gilet de paillettes pailletant sous les rayons du soleil, c'est par dérision, pour accompagner une Mylène de pacotille à talons hauts chantant en play-back sur une musique d'Abba. Une petite vieille à côté de moi dit à son mari: Ah ça au moins c'est joli! - finalement tout le monde n'était pas si conquis que ça - mais les danseurs ont fini de nous cligner de l'oeil, de nous sourire - juste pour dire que la danse contemporaine c'est pas forcément toujours chiant - chacun avec un livre, s'assied sur une chaise et joue une tempête sous un crâne avec le livre. Plus tard, quand les danseurs prendront la parole pour donner le titre des extraits présentés ce matin, j'apprendrai le titre de ce spectacle: Suivront mille ans de calme, une pièce inspirée par l'Apocalypse de Saint-Jean. C'est drôle, en regardant les danseurs évoluer avec leur livre aux pages blanches, je ne pensais pas du tout à un texte religieux, mais plutôt à la guerre des tenants du livre papier faite contre les partisans du livre numérique. Ou la guéguerre des deux "Guerre des boutons" . Toutes ces guerres idiotes que les hommes ne peuvent s'empêcher de se livrer dès lors qu'ils croient qu'ils ont raison de croire ce qu'ils croient et que c'est ça qu'il faut croire. Nous sommes donc bien dans une histoire de croyances et en fait nous ne sommes pas si loin de l'Apolcalypse, du dévoilement de ce qui est caché. Sauf que les livres manipulés par les danseurs, contre lesquels ils se frappent le front ou qu'ils se mettent sur/dans le crâne, possèdent tous des pages blanches... Comme pour le livre donné aux hommes par Micromégas, il n'y a aucune vérité unique révélée, imprimée et dictée aux hommes, sur le papier ou sur l'écran, il n'y a que des textes, parfois très médiocres, parfois très beaux...

    on ouvrit des livres, puis un autre livre, celui de la vie: alors, les morts furent jugés d'après le contenu des livres, chacun selon ses oeuvres. (L'apocalypse, 20, 12)

    Hier, au soleil, ne pensais pas du tout à cela sur le boulodrome: me nourrissais de l'énergie du soleil et des danseurs. Aujourd'hui, pluie molle.

    Groupe Urbain d'Intervention Dansée








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  • départAinsi elle va, comme on dit il en va ainsi ou nouveau départ. Non ce n'est pas la bonne formule: trop lourd et solennel comme quelque chose de définitif. Départ encore une fois, vers le nord. Dernier départ arbitré librement. Après, elle reviendra dans le sud - pays où toujours l'on revient, pays des revenus- chercher sa voiture et ses affaires et elle ira s'installer dans le nord. A moins que... Pour l'instant, elle voyage léger, un sac sur l'épaule et le coeur en plume d'autruche qu'a même pas peur, la tête haute. 

    Il est tôt ce matin et dans sa vie. Le train transporte toutes sortes de marchandises: des voyageurs, des illusions, des désespoirs, des routines, de l'inattendu... Cela tombe bien, elle n'attend rien. Pas du genre à faire sson marché dans un TGV. Plutôt du genre à regarder par la vitre son paysage intérieur et de temps en temps le  laisser s'imprégner des images de l'extérieur. Un trajet de la lumière du midi, violente en ses contrastes, à celle plus douce de la ville dite de lumières, la nuit seulement. Ce soir elle fera la fête avec ses amis, les plus anciens, les plus vrais, les plus près. Il sera toujours temps, dans deux jours d'aller à un rendez-vous sérieux et professionnel, à responsabilité. Et elle sait qu'elle sera responsable. Mais à l'heure du départ, là, dans le petit matin du sud, elle veut croire que ce qui l'attend, elle ne le sait pas encore. Elle va. Elle est dans ce elle va et ça lui va.



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  • exerciceL'automne était déjà bien avancé et les arbres qui bordaient la rue étaient aussi décharnés que les corps de vieillards. Cependant, quelques feuilles voletaient encore dans la bise froide de novembre. Un groupe de gamins d'une dizaine d'années, deux garçons et une fillette, jouaient à l'angle du carrefour. Une voiture jaune s'arrêta devant une maison qui paraissait inhabitée, mais les poubelles devant la palissade en bois disaient autre chose.

    L'homme descendit du taxi, ouvrit le portillon et s'avança vers la façade. Il introduisit la clé dans la serrure, ouvrit la porte et entra dans un corridor sombre au bout duquel se dressait un escalier. Il gravit les marches et avisa une porte fermée. Il entra.

    De stupeur, il s'arrêta net au seuil de la pièce. On aurait dit qu'un ouragan l'avait dévastée à moins que ce ne soit l'oeuvre d'une bande de cambrioleurs peu scrupuleux. Les tableaux pendaient de guingois ou étaient complètement décrochés du mur. Les livres délogés violemment des rayonnages gisaient ça et là. Pêle-mêle, des lampes et des vases brisés jonchaient le sol, ainsi que des revues et des débris divers. Des plaies ouvertes du canapé éventré, sortait de la mousse jaunâtre.

    Je me suis livrée ici au même exercice donné à mes élèves pour en évaluer un peu mieux la difficulté. Il s'agissait d'écrire d'après une planche de XIII (Dessin de W. Vance, scénario de J. Van Hamme, Le Jour du soleil noir, "collection XIII", Dargaud, 1984)un récit objectif à la troisième personne en point de vue externe. Après relecture et coupes multiples, je m'aperçois que j'ai vraiment du mal avec la notion d'objectivité... 



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  • sortilège

    Tente ici de me souvenir d'un article victime d'un sortilège et disparu dans les limbes ou les enfers numériques intitulé "signe". Inscrit sous le signe de la lune. Hier soir, la lune maîtresse des lieux, était le sujet d'une polémique: pleine ou pas? Ronde ou pas? De cercles, il en fut question aussi hier soir, invités à franchir les neuf cercles de l'Enfer de Dante avec la compagnie KaRNaVIrES: Nul n'entre ici s'il n'est géomètre. Un très beau spectacle de feu, de nuit et de lumière constitué d'une série de tableaux liés aux péchés capitaux et modernes sur la toile de fond des enfers industriels. C'est le deuxième acte du projet Mémoire des migrations en pays miniers. Si certains tableaux épinglent clairement nos maux et nos vices, d'autres sont plus mystérieux et ne nous sont pas livrés avec les clés. Ainsi, si l'on reconnaît aisément le narcissisme et la vanité de ces comédiens pris au piège de leur reflet dans les miroirs tendus au bout de leurs bras, on se demande ce que symbolisent ces chaises en feu sur lesquelles ils ne peuvent s'asseoir et qu'ils traînent misérablement: l'enfer de la bureaucratie, de l'administration, ou plus simplement "les Assis" que Rimbaud satirise si méchamment et si délicieusement? Avec ses masques de porc, la gourmandise est bien reconnaissable à moins qu'il ne s'agisse de la goinfrerie des nantis. Les machines époustouflantes de la compagnie se livrent à des combats titanesques et...dantesques. La musique ponctue l'alternance festive et sacrificielle des processions religieuses avec des officiants se flagellant avec extase... La musique céleste d'un violoncelle est violemment  jetée à terre et rouée de coups par la domination d'un vacarme de rigueur.  Mes images étant malheureusement ratées, je pille allègrement dans celles de Karnavires (site qu'il faut visiter ne serait-ce pour visionner la vidéo qui donne une idée du spectacle...)

    sortilèges



    sortilègessortilègessortilèges

    sortilèges

    Les sortilèges de la pleine lune j'en avais eu un avant-goût le matin même, avant la nuit, avec la lecture d'un merveilleux conte graphique: Le Signe de la lune dont voici le préambule:

     

    Quelqu’un a créé la forêt pour que les enfants s’y perdent.

    Appelons-le Dieu. Appelons-le Grimm le bicéphale.

     

    Il l’a semée d’arbres noueux, irriguée de rivières dont les eaux donnent la vie et la mort, et enveloppée d’un voile de brouillard. Ensuite, il a suspendu au-dessus des arbres la lune et l’étoile Polaire, car il fallait que les enfants se perdent, mais pas complètement.

     

    Puis il a lâché les loups.

     

    Leur mission était simple : ils devaient rendre un culte à la lune et lui jouer de la musique, comme il convient aux fils de la nuit. Ah ! Et ils devaient aussi manger les enfants.

     

    Sans se presser. Rien n’empêchait qu’ils les dévorent au croisement des chemins, les enfants d’abord, puis le petit panier, mais non sans les avoir auparavant dûment embobinés. […]

     

    Cependant, il arrive que ce soit le loup qui se perde.

     

    Lui qui connaît si bien les raccourcis. Lui qui rend un culte à la lune.

     

    Il arrive aussi parfois que la lune joue à se cacher au plus profond des puits pour égarer ceux qui la suivent. Et puis, dans certains cas, il arrive que les enfants croient être sortis de la forêt, grandissent comme prévu, mais qu’en réalité ils se trompent car ils sont toujours perdus dans la brume. Quand tout cela arrive, mieux vaut se préparer pour le voyage de sa vie.

     

     

     

    Alex Romero

     

    Sociologue et expert en Culture Populaire

     

     

     

    (préface de Le Signe de la lune,  de Enrique Bonet et Luis Munuera, éd. Dargaud, 2009)

     

     

    sortilèges

    Artemis et son petit frère sur le lieu du cauchemar à Aldea, les sortilèges de la pleine lune: un dessin noir et blanc, pour un conte noir, noir mais aussi de lumière lunaire.

    De tous ces sortilèges, a surnagé un bout de poème ce matin sur le bord des lèvres:

    Poser la couleur avant le trait dit le peintre

    La griserie ou l'ivresse avant le vin dit le buveur...

    Et voilà tout ce dont je me souviens...

     

     

     

     

     




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