• Aussi sèche qu'un os de seiche, je peine à trouver des mots, de simples mots, bien chauds permettant de lutter contre le froid qui m'envahit. Hier, après une répétition catastrophique, la dernière avant la première (samedi) où nous n'avons pas réussi à trouver l'énergie pour jouer ensemble. Même les mots nous ont fuis, nous avons eu des trous gigantesques. Des gouffres, des abîmes... Notre metteur en scène n'a cessé de nous faire reprendre chaque scène, chaque déplacement. Personne n'était juste, rien n'est en place. Cette nuit, bien sûr, un cauchemar. Nous jouions toujours aussi mal, et l'on nous attendait pour nous bouffer tout crus. Le théâtre était un banquet et nous étions la nourriture. Le public avait installé une grande table et quelques spectateurs (que j'ai reconnus) se retroussaient déjà les babines, se délectant d'avance du festin.

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    Le thème des Impromptus "J'ai vu les crocs de la terre" ne cesse de me tourmenter sans que je parvienne à mettre en forme l'image de mes monstres. Il m'est alors revenu en mémoire le merveilleux poème de Verlaine, contemporain des "Fêtes Galantes" et dont voici le début: 

    J'ai rêvé d'une bête affreuse et d'un grand nombre

    De femmes et d'enfants et d'hommes que dans l'ombre

    D'une nuit sans étoile et sans lune et sans bruit

    Le monstre dévorait ardemment, et la nuit

    Était glacée, et les victimes dans la gueule

    Du monstre s'agitaient et se plaignaient, et seule

    La gueule, se fermant soudain, leur répondait

    Par un grand mouvement de mâchoires.

    Conclusion provisoire: quand on n'a rien à dire, mieux vaut relire nos monstres sacrés et nos poèmes préférés, tel "Le Monstre" de Verlaine. Je vous en livre la fin:

    Et le sang dégouttait, tiède, le sang humain,

    Tiède, avec un bruit lourd de pleurs sur le chemin,

    Lourd et stupéfiant, dans l'infâme nuitée

    D'une exécrable odeur laiteuse et fermentée...

    Mes narines... Tel fut mon rêve... J'ai crié.

    - Et je ne me suis pas encore réveillé.


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  • Le masque n'a plus d'élastique et je ne peux cacher mon visage derrière. Il faudra pourtant demain entrer en scène. Ne pas rejoindre le choeur  des pleureuses. Pourtant pleurant la fin des vacances, l'arrêt de cette belle vitalité, de l'écriture qui revenait, un peu. Ce blog même. Déjà, je me force à taper ces quelques lignes, si médiocres. Pourtant, le ciel était si beau ce soir. 

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    C'est L. qui a pris les photos, côté passager. Pour lui examens, cette semaine. Il porte bien le masque de l'impassibilité, il se protège des angoisses de sa mère, ou il les a piétinées dans son for. Demain n'est pas encore là. Regarde le ciel, la route aussi. Si je partais? Loin ou ailleurs. Sans destination. Vivre au jour le jour, la nuit vire le jour. L'heure n'est pas encore au rêve, ni à la fuite.

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    Seule la lumière fuit, rien n'est net. Contours flous d'une tristesse sans réel objet. La nuit ne tombe pas, elle monte des profondeurs de la terre ou des pensées moroses de chacun en ce dimanche soir, cette veille de rentrée. Sur les ondes, les chansons font pleurer, même les plus gaies.

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    Marseille, nuit presque complète, Notre-Dame de la Garde illuminée en face de nous. Déviation par Saint-Charles. Le bas du Panier. Un rat trottine sur le trottoir de la rue des Phocéens, pas du tout angoissé. L. déposé. Repartir en sens inverse, cette fois-ci par l'autoroute du littoral. Pour voir la mer, les ports, les lumières. Les photos dans la tête, cette fois-ci. Penser au masque de Dionysos pour demain.


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  • La première chose qu'il vit fut le ciel. Dégagé, avec seulement quelques nuages fuyant vers l'ouest. Comme un premier ciel, le premier matin du premier jour, bleu depuis longtemps.

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    Ainsi, il avait survécu. Sa première pensée fut suivie d'une deuxième. Était-il le seul? Après cette nuit de tempête et de tumulte, le corps endolori eut quelque peine à se redresser pour s'asseoir. Les vêtements de la veille accusaient la violence de la bataille livrée contre les éléments déchaînés. Cependant, il était entier, intact, contrairement aux lambeaux de sa chemise. Il l'arracha d'un coup sec, prêtant sa peau aux mains encore timides du soleil. Baume apaisant les bleus du corps mais pas les ecchymoses de sa conscience. Autour de lui, le sol était jonché de cadavres de bouteilles. Au moins il n'aurait pas de mal à envoyer un message pour appeler à l'aide. Aucune trace de ses compagnons. Il se leva un peu trop brusquement de sorte qu'il tangua un tango quelque peu informel avec une idée échevelée. Le corps stabilisé, l'idée attacha ses cheveux et écrivit en toutes lettres devant ses yeux: NAUFRAGEURS. 

    Ils venaient de passer le cap de folle espérance, après avoir essuyé dix assauts de lames qui voulaient leur peau, lorsqu'ils aperçurent la lumière vacillante du phare. L'homme à la barre fit pivoter le navire en direction du feu salvateur. Sauvés! Ils s'étreignaient encore en balbutiant des remerciements et des voeux de prospérité lorsqu'une onzième vague, plus haute que les autres, balaya ces couples hors-normes. Un heurt très violent fit choir ceux qui étaient encore debout. Il eut encore le temps d'entendre un craquement sinistre, suivi de vivats et de cris d'allégresse - "Bons rêves ayons" crut-il encore distinguer. Il aperçut les flammes dansantes du grand brasier allumé par les naufrageurs et sombra dans le noir de l'inconscience.

    Il avait survécu à 2010. En ce premier matin du premier jour de 2011, il se rendit dans la cuisine. Sur la plage de la table, un bordel sans nom. Il prit la résolution de ranger sérieusement. Pendant que le café passait, il alluma l'ordinateur pour prendre des nouvelles de ses compagnons. Il commença à rédiger un message...

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  • Il y en a pour la vie des rats quand j'essaie de rédiger un texto. Tout à l'heure j'ai essayé de répondre à un message et j'ai les doigts tellement gourds que j'ai envoyé "Bonw". Main de pati, manque d'habitude, je crois d'ailleurs que c'était mon premier texto. Je n'utilise même pas le téléphone portable (nous en avons un pour deux dans notre couple), je ne m'en glorifie pas mais c'est comme ça, je supporte de moins en moins les contraintes. Le réveillon, c'est fait, le roupillon aussi, on peut continuer...

    N'étant pas très inspirée, je vais plutôt terminer la nuit avec Nagasaki d'Éric Faye. Lors d'un entretien sur France Inter, il disait que c'était lors d'une dictée au collège qu'il avait été saisi par la beauté de la langue et avait commencé à s'intéresser à la littérature. Le texte dicté? Un extrait de La Presqu'île de Julien Gracq. 

    Bon bout d'an à tous...


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