• nuit courte longue sieste

    nuit courte longue siesteQui dit longue sieste dit nuit courte. Qui dit nuit courte dit longue sieste. Qui dit Mes nuits sont plus belles que vos siestes dit n’importe quoi. Car cet après-midi j’avais besoin de dormir. Or cette sieste siesta juste après avoir lu quelques pages du Livre de l’Intranquillité de Pessoa, pages lues juste après avoir regardé « La Jetée » de Chris Marker jamais vu jusqu’à lors (qui dit Honte à moi ?). Qui dit  longue sieste dit rêve. Qui dit rêve dit d’autres voix – celle du film, appelée « Off » et celle du livre appelée Bernardo Soares. Qi dit – attendez-là qui est Qi ? jusqu’à présent je suivais, la voix du rêve, la voix du livre, la voix du film mais Qi, qui est-ce ? – Mais personne enfin, c’est une faute de frappe, une coquille, et s’il est une figure importante dans mon rêve, c’est la spirale qui donne le vertige comme dans « Vertigo » auquel « La jetée » fait référence à plusieurs reprises, d’ailleurs… Mais je ne suis que la voix du réveil, laissons parler les autres voix, dormons, voulez-vous ?

    Qui dit Comme en rêve, il lui montre un point hors de l’arbre, il s’entend dire : Je viens de là (ce doit être moi dit la voix Off)

    Qui dit Pour moi, qui aujourd’hui n’espère ni ne désespère, la vie est un simple cadre extérieur, qui m’inclut moi-même, et à laquelle j’assiste comme à un spectacle dépourvu d’intrigue, fait pour le seul plaisir des yeux – ballet sans suite, feuilles agitées par le vent, nuages où la lumière du soleil prend des couleurs mouvantes, enchevêtrement de rues anciennes, tracées au hasard, dans des quartiers bizarres de la ville. (c’est la voix du Livre qui parle)

    Qui dit Ouh là là vous êtes trop bavardes toutes les deux, ça manque d’images muettes,  par exemple des photos noir et blanc dans un montage très rythmé donnant presque l’impression d’un film au ralenti, vous voyez ?(assurément c’est la voix du rêve provoquant la colère de la voix Off qui hurle Un matin du temps de paix tandis que la voix du Livre continue impassible Et par-dessus tout, je suis calme comme un pantin qui prendrait conscience de lui-même et hocherait la tête, de temps à autre, pour que le grelot perché au sommet de son bonnet pointu (et d’ailleurs partie intégrante de sa tête) fasse résonner au moins quelque chose – vie tintinnabulante d’un mort, frêle avertissement au Destin alors la voix du rêve met un doigt sur ses lèvres closes et fait Chut !) Et dans un silence merveilleux, la femme endormie de « La Jetée » que l’homme dont on raconte l’histoire croit morte en quelques battements de paupière ouvre les yeux (c’est le seul plan filmé du film et le seul silence de mon rêve)

    Apparaît alors un chat orange de dos qui marche sur la longue jetée de l’aéroport d’Orly dans les années 60 qui dit : I was born and here I died.

    Je me réveille de ma sieste et reprends ma lecture de Pessoa : La fiction me suit comme mon ombre. Et tout ce que je voudrais, c’est dormir. (Je vous promets que c’est la vérité, dit la menteuse).

    nuit courte longue sieste 

    Fernando PESSOA, Le Livre de l'intranquillité, éd. Christian Bourgois, 1988

     


  • Commentaires

    1
    brigetoun
    Lundi 30 Juillet 2012 à 20:22
    brigetoun

    mes siestes aéanties s'inclinent avec respect et admiration devant la votre

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