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L'ombu
Comparable à la joie de nommer ce qui est encore innommé est la joie de lire ceux qui dans un grand poème épique nomment les choses encore sans nom. Je pensais à cela en lisant le premier chant de Chant général de Pablo Neruda "La lampe sur la terre":
Le jacaranda haussait une écume
de chatoiements ultramarins,
l'araucaria et ses lances hérissées
était la majesté contre la neige,
l'acajou primordial
distillait du sang chaud de ses branches,
et au Sud les mélèzes,
l'arbre tonnerre, l'arbre rouge,
l'arbre épineux, l'arbre matrice,
le fromager vermillon, l'arbre à caoutchouc,
étaient volume terrestre, étaient son,
existences territoriales.
A cela, je pensais ,à la joie mais aussi au billet lu hier sur le blog de phrasibuleuse qui parle des arbres de la Côte d'Ivoire où elle a vécu: l'arbre voyageur, fromager ou arbre à kapok, frangipanier... Tous ces noms d'arbres donnent foi en l'humanité, aux poètes et pour revenir à Pablo, qui sert le langage, le chant nocturne / mêlé de pluie et de feuillage je le soupçonne d'avoir inventé l'ombu cet arbre merveilleux qui n'en est pas vraiment un puisqu'il n'a pas -selon le glossaire - de bois et qu'il ne sert qu'à donner de l'ombre et la botanique le considérant comme une herbe géante...
l'ombu, en roi de l'herbe, arrêtait l'air
en liberté, le vol en son murmure,
il montait la pampa et la domptait
avec sa longe branchue, brides et racines.
Pablo NERUDA, "La lampe sur la terre", I, Chant général, traduction de Claude Couffon, Gallimard/Poésie, 1977.
Lu cet après-midi Pablo mais aussi Aimé (que j'aimerais faire découvrir à mes élèves mais un peu peur de pas être à la hauteur comme passeuse) et retrouver pourquoi hier mon billet avait pour titre "Serpent-Noir": non seulement Nâzim Hikmet en raconte l'histoire dans Paysages Humains mais Aimé Césaire aussi... Ai retrouvé aujourd'hui ce passage:
Et maintenant pourrissent nos flocs d'ignominie!
par la mer cliquetante de midi
par le soleil bourgeonnant de minuit
écoute épervier qui tiens les clefs de l'orient
par le jour désarmé
par le jet de pierre de la pluie
écoute squale qui veille sur l'occident
écoutez chien blanc du nord, serpent noir du midi
qui achevez le ceinturon du ciel
Aimé Césaire, La Poésie, Cahier d'un retour au pays natal, ed. Seuil, 1994, p. 55.
Et juste pour faire réagir lautreje je ne résiste pas de citer encore notre Aimé:
Et à moi mes danses
mes danses de mauvais nègre
à moi mes danses
la danse brise-carcan
la danse saute-prison
la danse il-est-beau-et-bon-et-léégitime-d'être-nègre
A moi mes danses et saute le soleil sur la raquette de mes mains
Tags : arbre, danse, aime, chant,
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