• écrire la mer à boire (2)

    Quel classement adopter? Par lieux? Par dates? Les dates où les textes ont été publiés ou celles de mes lectures? Les titres, souvent des comètes que j'attrape par la queue, se révèlent être des lézards fuyant entre mes mains. Ne me reste que la queue. Des titres trompeurs donc. Mais pas tant que ça.

     

    Claire FOURIER, Plus marine que la mer, éditions Jean-Paul Rocher, 2001 et le Serpent à plumes, 2004, offert par A. et lu en juillet 2004 à Venelles.

     

     Demain je pars. SEULE.

     À la campagne, quoique au bord de la mer; c'est-à-dire: près d'un ber. Demain je dors en Bretagne. J'y ai mon havre. Je pars avec cahiers, thé, confiture d'oranges (choisie pour sa marque: "Solitude" car confectionnée dans un couvent de carmélites); pas de miel: j'en ai là-bas, et de bruyère, recueilli dans l'île d'Ouessant. J'emporte des sonates de Haydn et les partitas de Bach.

     À Lilia je deviens plus végétale que la végétation, plus aérienne que l'air, plus marine que la mer… pp. 40-41

     

     Viola, la narratrice, quarante-cinq ans fait la rencontre d'un homme dans une salle-des-ventes de la région bordelaise. Elle lui écrit des lettres qu'elle n'envoie pas et qu'elle range dans un tiroir. Et puis un jour, elle se rend en Bretagne et lui envoie une carte de Lilia.

     

     Lilia, le 15 mars

     

     Bonjour vous,

     Loin du bruit des enchères, de la turbulence des amateurs d'art, les pieds dans l'eau, j'arpente, seule et muette, la plage déserte. Le clapotis de l'eau est serein. La vague me fait un clin d'oeil. Sous la paupière aux cils d'écume, elle murmure que mon vague à l'âme est menu, n'arrive pas à sa cheville. Elle dit aussi que toujours l'éphémère se recoud, -car telle est la durée.

     Au loin, un dragueur rouillé fait mousser son sillage. Comme lui, l'écriture s'empâte: elle ne ressemble pas aux mouettes que j'ai vu divaguer dans vos yeux et senti dériver dans votre voix. au bord du chemin douanier, une barrière blanche et des ronces brunes se détachent sur un horizon bleu. C'est si beau qu'il me faut vous le dire.

     Ne retenez pas les mots, seulement le signe que je vous adresse, ivre de je ne sais quoi (l'air iodé, mettons), depuis des sables qui me coulent d'une main dans l'autre tandis que je regarde, distraite, les pêcheurs charger le goémon luisant dans les charrettes…

     … Distraite parce que je pense à vous.

     Viola


    derniers billets


    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :