• échassière de détours

    Ainsi, encore une fois, vais-je devoir me reconvertir. Je n’ai pas beaucoup de temps. Pour me former, je veux dire. Je sais aussi que ce n’est pas trop le moment - temps de crise - de  vouloir changer de métier, la possibilité de choisir pouvant paraître indécente à ceux qui n’en ont pas. Mais injustement, les temps sont durs et ma profession de découpeuse-colleuse me coûte de plus en plus cher en mots et en liant. Jusqu’à présent, je n’ai pas de revenus réguliers même si je suis rétribuée en regards, en sourires, en lectures de haute tenue de lecteurs de haut prix. Aussi vais-je puiser dans l’encyclopédie de Maryse Hache qui a listé les métiers les plus improbables et les seuls donc convenables. Je conseille à tous les chercheurs de subsistance et d’allégresse d’aller puiser entre les Boum pour y trouver les leurs. Je précise que l’on gagnera beaucoup à lire Rataboum la suite a six minutes texte à deux claviers écrit et lu avec Christine Jeanney pour La nuit remue du 16/06/2012. On peut voir et entendre la performance de ces deux précieuses (c'est un billet où l'on parlera beaucoup de prix c'est comme ça) ici. Comme je suis bonne fille, je vous en copie-colle un extrait:

    "lanceuse de couteaux à cran de poissons - boum - dompteuse de crinières à quelques choses - boum - fantôme des serpillères abattoirs - boum - démineuse de goupilles entrechats - boum - arracheuses d'ornières à gradins - boum - planteurs de limaces à silo - boum - tueuses de fourmis à charbon - boum - fumeuses de cigares d'existence - boum- déterreuse d'énigmes à sorbets - boum - cracheuses de soufflets à crapauds - boum - déchiqueteuse de ponctuation - boum - écornifleuse de catastrophes à limaille - boum - strip-teaseuse de vérité cratère - boum - renaisseuse de cendres à fontaine - boum - chanteur de botanique effervescente - boum - traducteur de forêts assassines - boum - avaleuse de trompettes phosphorescentes - boum -  transporteuse d'ânes à piano - boum - zinzineuse de mort - modeleuse de jouissance - pisseuse de fond - colleuse de trac - fildeferiste de cave - siffleur d'enseignes - couleuse de sang - leveuse d'aube - bordeuse de monde - dévoreuse de rose hantaï -" (boum)

    Bien sûr, je ne me lasse pas de lire cette liste et cela prend du temps parce que je m’arrête souvent dans une drôle de posture dérivée vaguement du Penseur – mais sans les mains. Parmi ces métiers énumérés j’en reconnais quelques uns exercés par de grands professionnels. Fumeuse de cigares d’existence m’aurait tenté plus jeune ; leveuse d’aube est un métier à réinventer chaque jour et je manque trop de discipline. Alors à mon tour, je continue la liste... 

     

    Dentiste peintre, détracteur de principes, consonneuse de voyelles, raboteuse de trop plein et de pas assez, cracheur d ‘obscurité, ratisseur de largeurs et de longueurs, épouilleuse oxymoriste, écumeur de nuages, frissonneuse de rayons, pouvoyeuse d’écume, dégringoleuse de rêves assoupis, échassière de détours…

     

    Je m’attarde sur celui-ci qui pourrait me convenir. L’ennui c’est qu’il nécessite une formation assez longue et une morphologie de liane que je n’ai plus. En outre, il se transmet de mère en fille, et dans des temps très anciens  de mère-fille-mère en fille-fille-mère (termes dénués de connotations négatives) mais les règles se sont assouplies dans la corporation des échassières de détours, le terme « pureté » étant entaché, lui, de connotations très négatives, nécessitant qu’on le prenne du bout des doigts entre des guillemets pincettes. J’en ai connu une d’échassière de détours – qu’il ne faut pas confondre avec l’échassière de raccourcis (voir GPD)– qui pratique le plus souvent son art en solitaire mais parfois aussi - fait assez rare pour être notable et noté -  accompagné de la frissonneuse de rayons avec laquelle elle se brouilla à cause d’un bel écumeur de nuages – raconterai-je un jour cette histoire ? Se lasse-t-on de ces multiples détours ?


     

    Grande Première Digression (GPD) : l’échassière de raccourcis à la différence de l’échassière de détours est beaucoup plus courte de taille et d’esprit. Elle a l’habitude de dire Bref, En somme, Donc et y va. La ligne droite nécessitant des échasses tout terrain, elles ont coutume de fabriquer leurs instruments en bois de noisetier, matériau également prisé  par les cervidées-volantes, ce qui  provoqua la première guerre des ces ennemies ancestrales (voir deuxième petit détour – dpd - dans grande première digression - GPD). Préférant de pas y aller par quatre chemins, elles croisent rarement les échassières de détours.

     

    Mais, pour l’heure, dont elle dit qu’elle tourne régulièrement, réglée comme l’aiguille d’une montre tricoteuse,  je suis toujours découpeuse-colleuse et je dois m’atteler à la tâche. Je dois laisser mes échassières de détours, quitte à passer par plus de quatre chemins.



    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    1
    D3
    Mardi 17 Juillet 2012 à 00:52

    Totalement passionnant !!!    vraie caverne d'ALI BABA ,a visiter a une heure plus ouvrable ,avec cerveau plus ouvert aussi ,par exemple ,apres café du matin ,,,


    Bonne nuit !

    2
    Danielle Carlès
    Mardi 17 Juillet 2012 à 08:01

    Raconte l'histoire, oui, de l'échassière de détours avec la frissoneuse de rayons et l'écumeur de nuages. Jamais lassée.

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :