• putain de casque

    Débarrassons-nous du subjectif puisqu’on me l’a demandé. Pourtant, d’emblée, je peux dire que c’est une voix que j’aime. Faux. C’est ce qui est dit que j’aime. Le contenu, l’écrit. Car c’est d’abord un texte écrit. Un texte qui, sans calque, sans casque, claque et reclaque. Et la voix se trouve en l’occurrence appartenir à l’auteur du texte. Je ne sais pas comment les autres ont procédé mais moi, j’ai d’abord lu avec les yeux le texte écrit – parce qu’impossible de trouver ce putain de casque pour m’isoler du bruit ambiant –  l’écoute s’est faite dans un deuxième temps – le protocole normal (lecture du texte tout ouïe tout yeux aurait dû sinon être appliquée  à l’oreille et à l’œil) aurait-il changé quoi que ce soit ? J’en doute concernant mon appréciation. De toute façon, le souci d’objectivité est compromis, dans la mesure où celui qui décrit la voix connaît (littérairement parlant) celui qui écrit. Celui qui décrit la voix n’a jamais vu celui qui écrit mais lui a écrit et l’a lu. Et l’affectionne (sonne drôlement). Ainsi, même s’il avait lu avec une voix de fausset, nasillarde, ou trop haut perchée, genre doublure française de Max-la-Menace (Guy Pierauld), celui qui décrit la voix qui lit ce qu’il a écrit, aurait-il continué à le lire ? La réponse affirme l’affirmative. En l’occurrence, la voix est basse, juste, profonde, claire et parfois légèrement éraillée, avec ce voile de rock ou de fumée qui lui donne encore plus d’épaisseur. Suis-je encore dans le subjectif ?

    Qu’a-t-il fait avant de s’enregistrer ? A-t-il bu un petit verre de blanc pour s’éclaircir la voix ? A-t-il fait un léger hum hum avant d’en faire un plus gras et plus fort, pour racler/râper la gorge ? J’aime à m’imaginer tout cela, tant que j’écris, au moment où j’écoute la voix, je n’écoute que la voix, je ne fais rien d’autre sitôt ce putain de casque retrouvé.

    Peut-on décrire une voix comme on décrit une personne ? Si c’est le cas alors Celui qui décrit dirait que Cette voix masculine qui dit Celui-là qui est moi en italique (la voix d’un autre donc) a une trentaine d’années et les yeux noirs ; que la voix est brune avec déjà quelques cheveux blancs et n’est pas sarkozyste, c’est une voix pleine d’ombre et de lumière, vêtue sans ostentation, élégante cependant ; c’est une voix qui marche vite, à grandes enjambées ; cette voix garde parfois le silence… Celui qui décrit croit n’avoir jamais vu Celui qui lit,(qui a nom Christophe Grossi) ou peut-être une photo par hasard.

    CQFD. On affirme donc qu’on peut décrire une voix comme on décrit une personne.  Aussi vais-je en décrire une autre et cette fois-ci objectivement car je ne connais ni son propriétaire, ni ses écrits. C’est une voix qui écrit aussi. Ayant retrouvé ce putain de casque, j’écoute et lis le texte en même temps.

    C’est une voix légèrement fêlée par endroits, au timbre agréable, avec un très léger chuintement parfois. Voix d’homme, couleur plus claire que la première, peut-être châtain clair, une voix aux yeux verts. Elle a choisi en contrepoint une voix féminine (une voix qui a nom Cécile Charpentier), au débit plus rapide, voix qui claque, qui bute entre 4000 et clics mais ne trébuche pas, voix plus neutre et plus technique que la voix masculine, qui en souligne par contraste sa douceur. Voix  de l’homme malicieuse, qui se veut pourtant neutre dans le phrasé du texte, mais ne peut s’empêcher de faire entendre le point d’interrogation (qui n’est pas écrit) Je me suis bien fait comprendre ( ?) , marque un silence avant d’entonner la réponse ironique Oui c’est comme ça monsieur quand on n’a pas les moyens on ne s’engage pas (on entend la voix avaler salive, et sans vouloir être subjective ça m’émeut, cette salive avalée, là, à ce moment-là). Voilà tout ce que je peux dire de la voix de François Bonneau.

    Peut-on décrire une voix comme un paysage ? Avant d’aller plus loin, je dis oui très subjectivement. Et je n’irai pas plus loin aujourd’hui.




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  • Commentaires

    1
    Ch.G
    Mardi 8 Mai 2012 à 14:47

    celui qui...

    quittera la trentaine dans quelques mois

    a l'humeur beaucoup plus sombre que les yeux,

    a enregistré vers 1 h du matin après avoir trop fumé (bu aussi mais pas trop)

    est pour la subjectivité :-) !

    est surtout très touché, merci beaucoup.

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    2
    Mardi 8 Mai 2012 à 16:58

    Bonjour Christine,

    Suis touché aussi, par cette attention apportée !

    Peut-être pas si erroné, votre portrait !!

    (Suis cependant obligé de vous reprendre : la voix -et le texte !- féminins sont de Cécile (pas Céline) Charpentier), (avec laquelle nous avons entremêlé nos voix sans concertation, et c'est tombé, sinon parfaitement juste, au moins sur ses pieds.) J'aime aussi à croire que les déglutissements font sens !

    En bref, un grand merci pour votre regard, votre attention et votre phrasé.

    3
    Me
    Mardi 8 Mai 2012 à 18:06

    @vous deux:

    merci d'être passés par ici, et franchement, j'ai vraiment adoré votre échange pour les derniers vases (textes et mise en son). Maladroitement, j'ai essayé de voir ce qu'il était possible de décrire à travers une voix, mais le texte se poursuivait ensuite avec la question: qu'est-ce que la voix apporte en plus du texte écrit? Je ne l'ai pas terminé, mais c'est sûr, ça en change la perception... Je vais rectifier mon erreur pour Cécile (veuillez m'excuser auprès d'elle) et de savoir que vous avez mêlé vos voix sans concertation, rend votre performance encore plus remarquable, de même que l'alliance de la voix de Christophe sur la musique de Air... Bravo encore en espérant que vous renouveliez l'exercice!

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