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Monstres
Aussi sèche qu'un os de seiche, je peine à trouver des mots, de simples mots, bien chauds permettant de lutter contre le froid qui m'envahit. Hier, après une répétition catastrophique, la dernière avant la première (samedi) où nous n'avons pas réussi à trouver l'énergie pour jouer ensemble. Même les mots nous ont fuis, nous avons eu des trous gigantesques. Des gouffres, des abîmes... Notre metteur en scène n'a cessé de nous faire reprendre chaque scène, chaque déplacement. Personne n'était juste, rien n'est en place. Cette nuit, bien sûr, un cauchemar. Nous jouions toujours aussi mal, et l'on nous attendait pour nous bouffer tout crus. Le théâtre était un banquet et nous étions la nourriture. Le public avait installé une grande table et quelques spectateurs (que j'ai reconnus) se retroussaient déjà les babines, se délectant d'avance du festin.
Le thème des Impromptus "J'ai vu les crocs de la terre" ne cesse de me tourmenter sans que je parvienne à mettre en forme l'image de mes monstres. Il m'est alors revenu en mémoire le merveilleux poème de Verlaine, contemporain des "Fêtes Galantes" et dont voici le début:
J'ai rêvé d'une bête affreuse et d'un grand nombre
De femmes et d'enfants et d'hommes que dans l'ombre
D'une nuit sans étoile et sans lune et sans bruit
Le monstre dévorait ardemment, et la nuit
Était glacée, et les victimes dans la gueule
Du monstre s'agitaient et se plaignaient, et seule
La gueule, se fermant soudain, leur répondait
Par un grand mouvement de mâchoires.
Conclusion provisoire: quand on n'a rien à dire, mieux vaut relire nos monstres sacrés et nos poèmes préférés, tel "Le Monstre" de Verlaine. Je vous en livre la fin:
Et le sang dégouttait, tiède, le sang humain,
Tiède, avec un bruit lourd de pleurs sur le chemin,
Lourd et stupéfiant, dans l'infâme nuitée
D'une exécrable odeur laiteuse et fermentée...
Mes narines... Tel fut mon rêve... J'ai crié.
- Et je ne me suis pas encore réveillé.
Tags : sans, monstre, mots, nuit, grand
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Commentaires
1ShantiMercredi 5 Janvier 2011 à 19:15Merci je ne connaissais pas ce poème... Nos monstres sont toujours là, alors il nous faudrait terrasser nos hyènes quelquefois, comme qui tu sais... Cette répétition ne serait-elle pas celle qu'on appelle "la couturère" ? Alors ne t'inquiète pas, elle est toujours catastrophique. Tout ira bien ! Surveille plutôt ta boite aux lettres, courrier en partance, demain peut-être...Répondre2ShantiMercredi 5 Janvier 2011 à 19:16Ecrit trop vite, je voulais dire "La Couturière" !Oui, tu as raison (je viens de vérifier), la couturière est bien la dernière répétition avant la générale... Sauf, qu'on aura encore à régler les lumières, la musique et la technique (on n'a pas fait simple) samedi après-midi et j'espère que tu as raison. Mais franchement, je me demande si je ne vais pas arrêter, c'est de pire en pire... Heureuse de te lire bientôt sur papier (il faudra que tu attendes un peu car j'ai dû d'abord écrire à divers organismes auxquels je n'ai pas adressé mes voeux...)
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