• la porte de derrière

    la porte de derrière

    Rebondir

    S’entraîner à

    Dire le rebond, bondir de nouveau, de nouveaux bonds entre chaque virgule, les dire, et ne s’arrêter qu’à bout de souffle. Ou au bout du rouleau. Ce matin, j’ai failli jeter le tube de dentifrice  mais j’ai vérifié s’il y en avait encore. J’ai bien fait car il n’était pas au bout du rouleau. Bizarrement – était-ce la marque Signal qui faisait signe ou la fin du rouleau ?-  j’ai pensé à la conversation d’hier, au fait d‘être au bout du rouleau. Et pourtant il y en a encore, du dentifrice, de la douleur ou de la force pour rebondir. Dire le rebond, par exemple, ce pourrait être après lecture (ce matin encore, décidément très riche) d’une strophe d’ « Inespérances » (Le Peu du monde de Kiki Dimoula) :

     

                Le temps me demande

                où je voudrais qu’il passe

                et si j’ai pour nom Hélas ou Est lasse.

                Laissez-moi rire.

                Aucune fin ne connaît l’orthographe.

     

    Pourquoi  rebondir sur celle-ci ? Car avant le rebond il y a l’arrêt ou le retour en arrière. On continue à lire le poème mais quelque chose crie Pause ! quelque chose appelle l’écriture. Ces deux vers surtout, Le temps me demande/où je voudrais qu’il passe parce qu’ils sont suivis d’un jeu sur les homophonies Hélas/Est lasse et cette permission de rire là où l’on attendrait la nostalgie ou la désespérance. Rebondir sur cette énigme donc et faire mienne cette interrogation du temps. Je lui donne rarement la parole au mien – des élégies comme tout le monde ; le petit moi qui se plaint du grand méchant temps- mais si je prends le temps d’écouter le temps me demandant le temps de l’écouter, je le perds ! Je ne rebondis plus. On  a besoin du temps pour rebondir. Comme le ballon pour s’envoler a besoin du sol, de cette micro-pause avant de s’élever rouge (forcément c’est un ballon rouge) dans les airs. Rebondir sur la perte du temps c’est fatalement revenir au Hélas/ Est lasse, au mode élégiaque de la douleur.

    Or la douleur peut être permanente, ne jamais s’arrêter, baisser en intensité, parfois, mais être toujours présente, tout le temps. C’est ce que m’a raconté un ami hier, parlant de sa compagne, victime d’un opération chirurgicale ratée et qui ne peut plus rester trop longtemps debout  ou assise, elle souffre en permanence dans son corps, et c’est irrémédiable. Elle est loin d’être au bout du rouleau pourtant. Elle rebondit chaque jour sur la douleur.  Quelqu’un d’autre, nouvelle et belle rencontre, m’a parlé d’une autre douleur, morale celle-ci et causée par des êtres qui n’ont plus rien d’humain, qui ont inoculé en elle le poison de la honte au point qu’elle veuille en finir  avec la vie. La douleur est encore là en elle, mais elle tant de beauté en elle qu’ils ne l’ont pas détruite, et elle commence à rebondir – ballon rouge lancé par un enfant apprenant à jouer.

    Il faut que le sol soit dur pour rebondir, bien dur.

    Je voudrais que le temps passe par la porte de derrière.

     

     


    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    1
    D3
    Dimanche 3 Juin 2012 à 22:37

    Au restaurant,j'ai hésité;  c'était fromage ou dessert ,,,,,,,     La ,je veux dire au temps que je prends les deux noms et meme que je les porte    Hélas et Estlasse                   Mais je parle de moi alors qu'il est (et a l'heure qu'il est ) de bien pire Hélas bien lasses           Faites-moi rire             Le temps est dans un courant d'air !                                                                 P S     Vais regarder mon tube de dentifrice avec un respect tout nouveau ,    sacrés symboles !

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :