• la porte

    la porteHier, retour de vacances, retour de canicule, retour de bâton. Pas envie d'ouvrir la porte, sachant déjà ce qu'il y a derrière: temps découpé en tranches horaires, temps employé à des tâches plus ou moins utiles pour les autres, tant va la cruche qu'à la fin elle se brise... Derrière la porte, en tout cas, moins de temps à jouer sur l'écran avec les mots, les rêves, les images des uns et des autres. Derrière la porte, d'autres portes à franchir, à fermer derrière soi jusqu'à la sonnerie, à ignorer aussi pour se concentrer sur les têtes blondes, brunes ou rousses auxquelles on ne veut surtout pas fermer les portes avant la possibilité-même de les ouvrir. Pour certains, sitôt la porte franchie, on sait déjà que c'est trop tard, pour eux les portes seront définitivement closes à moins de les défoncer à coups de pied, à la masse, à la haine... Mais comme on veut encore y croire, on tentera quand même d'ouvrir quelques fenêtres, de créer un appel d'air à coups de Rabelais, Rimbaud, Apollinaire...

    Derrière la porte, il y aura encore les répétitions du même et qu'on ne veut plus, et qu'on aimerait jeter. Derrière la porte, il y a tout de même une part d'inconnu. Alors, oui, on veut bien l'ouvrir encore une fois, la porte.

    Hier, poursuite de la lecture de Va-t'en Va-t'en C'est mieux pour tout le monde de Christophe Grossi dont voici un très bel extrait  (et qui a inspiré ce modeste billet).

    On ouvre et on ferme des portes. Personne ne s’en rend plus compte mais on en ouvre et on en ferme des dizaines plusieurs fois par jour. Il y a celles qu’on finit par ne plus voir tant elles nous sont familières, celles qu’on voudrait enlever pour gagner de la lumière, de la place, celles qu’on ouvre rarement. Et un jour arrive celle qu’on ne parvient pas à ouvrir, non pas qu’elle soit plus difficile qu’une autre, plus lourde ou moins bien graissée. Mais voilà, on n’arrive tout simplement pas à ouvrir cette porte et on arrête son geste à quelques mil- limètres de la clenche. On a soudain peur de ce qu’elle cache – le monde de l’autre côté. Pourtant la porte n’a rien à voir là-dedans. Ce n’est que moi qui me figure que, une fois franchie, elle me poussera loin du monde des vivants et que je ne ressortirai pas indemne d’un tel franchissement. J’ai beau me raisonner, me dire que c’est un homme qui a fabriqué cette porte, qui l’a mon- tée et peinte, que chaque côté de la porte a sa propre existence, comme deux siamois à jamais collés par un dos unique, que chacune a son histoire, son univers, malgré cela je ne parviens pas à la pousser. Parce que j’ai peur d’entrer dans la pièce. Parce que je sais qui est derrière la porte et parce que je pressens ce qui m’at- tend. J’ai beau ne pas lui en vouloir à cette porte, c’est pourtant elle qui m’empêche d’aller plus loin. Mais soudain elle s’entrouvre. Le dehors s’échappe – tam- bours à l’intérieur de la tête, poum, un long blanc, poum, un long blanc, poum. Tout s’écroule en moi. Je parviens tout juste à m’asseoir.


                         Christophe Grossi, Va-t'en va-t'en c'est mieux pour tout le monde, pp. 30-32, éditions Publie-net.



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  • Commentaires

    1
    Jeudi 25 Août 2011 à 08:24

    Ah ce que les portes peuvent nourrir nos imaginaires ! > http://www.fut-il.net/2011/04/la-porte.html

     

    2
    mel13 Profil de mel13
    Jeudi 25 Août 2011 à 13:45

    @ Christophe:

    Oups, suis confuse, voulais vraiment pas te plagier... J'espère que tu ne m'en veux pas... Viens de lire ton superbe texte car je crois bien que je l'avais raté à l'époque... 

    3
    Jeudi 25 Août 2011 à 14:37

    ouvrir la porte pour découvrir cette part d'inconnu... belle rentrée à toi !

    4
    mel13 Profil de mel13
    Jeudi 25 Août 2011 à 16:32

    @ Lautreje : à toi aussi, à moins que tu n'aies déjà repris... 

    5
    Jeudi 25 Août 2011 à 16:41

    je reprends quand on m'appelle... j'ai cette chance superbe ! sinon pour mes ateliers ce sera à la rentrée !

    6
    Samedi 27 Août 2011 à 14:56

    Cocteau disait, quand la maison est en feu, je prends le feu, moi, je prends la porte, je trouve que c'est plus sûr. j'ai toujours pensé que toute la littérature du monde commence quand on ouvre une porte, tout devient alors possible. il parait que Gutenberg a utilisé les battants d'une porte pour fabriquer sa machine ? écrire, n'est-ce pas une porte qu'on s'ingénie à bloquer pour ne pas laisser le lecteur sortir ? quand je commence à divaguer comme ça, c'est que le texte que je viens de lire m'inspire et donc me plait

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