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  • On ira demain à la laiterie pour y boire du petit lait - en l'occurrence écouter Denis Guénoun et Pierre Michon lire chacun un extrait de leurs textes. En effet, les Nouvelles Hybrides qui ont eu la bonne idée d'inviter Denis Guénoun en résidence d'auteur ont eu la non moins bonne idée de lui faire rencontrer Pierre Michon, le 6 mars à 17heures, à Cadenet, au centre culturel de La Laiterie. C'est mon amie (et prof un jour, prof toujours) Anne Roche qui animera la rencontre. Ils évoqueront le poème de V. Hugo, "Booz endormi" dans La légende des Siècles, qui a inspiré à chacun des auteurs un texte. Denis Guénoun a écrit pour le théâtre Ruth éveillée et Pierre Michon raconte la découverte dans son enfance du poème de Victor Hugo, dans Corps du roi.

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    J'ai ressorti mon vieux "Lagarde et Michard" pour relire le poème et comme disait Péguy, c'est bien "un poème de paix biblique, patriarcale, nocturne". En voici un extrait:
    Or, la porte du ciel s'étant entre-bâillée
    Au- dessus de sa tête, un songe en descendit.

    Et ce songe était tel, que Booz vit un chêne
    Qui, sorti de son ventre, allait jusqu'au ciel bleu;
    Une race y montait comme une longue chaîne;
    Un roi chantait en bas, en haut mourait un Dieu.

    Et Booz murmurait avec la voix de l'âme:
    " Comment se pourrait-il que de moi ceci vînt?
    Le chiffre de mes ans a passé a passé quatre-vingt,
    Et je n'ai pas de fils, et je n'ai plus de femme.

    "Voilà longtemps que celle avec qui j'ai dormi,
    O Seigneur! a quitté ma couche pour la vôtre;
    Et nous sommes encor tout mêlés l'un à l'autre,
    Elle à demi vivante et moi mort à demi.

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    Et puis encore, les derniers quatrains:

    Ruth songeait et Booz dormait; l'herbe était noire,
    Les grelots des troupeaux palpitaient vaguement;  (j'aime beaucoup cette vague palpitation)
    Une immense bonté tombait du firmament;
    C'était l'heure tranquille où les lions vont boire.   (la diérèse li-on n'est pas très heureuse) 

    Tout reposait dans Ur et dans Jerimadeth;  (calembour "j'ai rime à dait"? s'interrogent L&M)
    Les astres émaillaient le ciel profond et sombre;
    Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l'ombre
    Brillait à l'occident, et Ruth se demandait,

    Immobile, ouvrant l'oeil à moitié sous ses voiles,
    Quel dieu, quel moissonneur de l'éternel été
    Avait, en s'en allant, négligemment jeté
    Cette faucille d'or dans le champ des étoiles.

    Avec ce dernier vers, André Lagarde ou son acolyte, Laurent Michard, nous pose la question :"En quoi cette image couronne-t-elle le poème d'une façon particulièrement heureuse?" Je me rends compte, que par mimétisme, j'ai employé la même expression à propos de la diérèse "pas très heureuse" sur li-on. Je reparlerai de la rencontre demain, ou après-demain.

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  • Un contrôle à préparer et pas du tout l'envie de m'y mettre. Saoulée par mes propres paroles et mes redites, depuis plus d'une semaine. Quant aux élèves, ils n'en ont rien à faire des propositions subordonnées relatives, déterminatives ou explicatives, des expansions du nom et de la fonction des pronoms relatifs. Parmi tous ces mots en -tif, ils n'entendent que les tifs à ne pas même se les arracher, ça n'en vaut vraiment pas la peine. Pourquoi la prof. se les arrache-t-elle, elle, quand on lui répond COD le plus gentiment possible? Pourquoi se met-elle à crier que cela fait cent fois que je vous dis que la proposition subordonnée relative est toujours complément de l'antécédent? Et elle, elle n' aurait pas des antécédents d'hystérique par hasard? Et ces subordonnées à la principale, pourquoi pas le principal adjoint et la CPE, pendant qu'on y est? Il y a des priorités dans la vie, tout est relatif, pronom ou pas. Point barre.
    Heureusement, il y a les Juliette, Julie, Marie, Manon, Camille Luc, Lucas, Yannis, Tim - finalement en les énumérant, me rends compte qu'il y en a pas mal qui ont compris et plus encore si l'on prend en compte ceux qui essaient de comprendre ou de s'intéresser sur les deux classes de troisième - Manon, Pierre, Mélanie, Fadi, Anthony, etc. Je m'arrête pour tenter une statistique: les deux tiers auront la moyenne (optimiste) ou la moitié (lucide) comme à chaque fois. Et puis, au pire, si c'est seulement un tiers, est-ce si important que cela les propositions subordonnées relatives? 
    Non, elles sont même parfois inutiles (certains élèves, tels les écrivains feuilletonistes du XIXe siècle, croient parfois être payés à la ligne en écrivant des: "La femme, qui était grande, qui était âgée d'une vingtaine d'années, qui était assise à coté de moi, me sourit." quand ils n'ajoutent pas du "Quand soudain" sans principale. fin de la digression) "Dégraissez, les enfants! Dégraissez! Je veux des os, des nerfs, des muscles, du rythme. Ôtez-moi ces "qui était", enlevez-moi aussi ces adjectifs, allez à l'essentiel!" mais aussi parfois pleines de sens ou d'ambiguïté, avec ou sans virgule. Oui, mais chers élèves, les propositions subordonnées peuvent être intéressantes. Par exemple, Elle aimait les textes difficiles qui lui résistaient, qui s'apprivoisaient, qui ne sortaient jamais perdants, et à la fréquentation desquels elle avait toujours à gagner, ou pas, mais dans lesquels elle persistait à trouver du sens. 
    Bon, c'est pas tout ça, mais il faut vraiment que je prépare mon contrôle pour demain.

    (Hors sujet:) Entendu sur France Inter ce matin parler d'une tomate à la tendrité exceptionnelle... C'est vrai que la tendresse des tomates est un autre sujet...



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    Dans le sud, nous n'avons pas eu de tempête, la température est douce comme une peau de bébé, mais nous avons de magnifiques ciels instables. Pourtant ça râle, ça se plaint qu'on ne sait plus comment s'habiller, qu'on se croirait en Normandie, et ça se termine toujours par Enfin on a quand même de la chance par rapport à d'autres, on n'a pas à se plaindre...

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  • Les techniques narratives et descriptives de Zola m'épatent encore. A chaque fois, je m'y laisse prendre. Ce matin, j'ai suivi l'errance nocturne du comte Muffat après avoir appris de Nana que sa femme le trompe avec le journaliste Fauchery. Ce froid catholique, après quarante années de quasi-abstinence, a laissé cours à ses instincts les plus débridés -il vient presque de violer Nana- et c'est un forcené en pleine crise qui sort du boulevard Haussmann. J'ai suivi, hagarde, haletant, presque hallucinée son trajet désordonné sur un vieux plan de Paris.

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    Il pleurait si violemment, qu'il s'adossa contre une porte, le visage dans ses mains mouillées. Un bruit de pas le chassa. Il éprouvait une honte, une peur, qui le faisait fuir devant le monde, avec la marche inquiète d'un rôdeur de nuit. Quand des passants le croisaient sur le trottoir, il tâchait de prendre une allure dégagée, en s'imaginant qu'on lisait son histoire dans le balancement de ses épaules. Il avait suivi la rue Grange-Batelière jusqu'à la rue du Faubourg-Montmartre. L'éclat des  lumières le surprit, il revint sur ses pas. Pendant près d'une heure, il courut ainsi le quartier, choisissant les trous les plus sombres. Il avait sans doute un but où ses pieds allaient d'eux-mêmes, patiemment, par un chemin sans cesse compliqué de détours. Enfin, au coude d'une rue, il leva les yeux. Il était arrivé. C'était le coin de la rue Taitbout et de la rue de Provence. Il avait mis une heure pour venir là, dans le grondement douloureux de son cerveau, lorsqu'en cinq minutes il aurait pu s'y rendre.   (Emile ZOLA, Nana, chap. VII, Folio, p.234.)

    Si j'étais à Paris, j'aurais arpenté le quartier de l'Opéra, essayant de m'imaginer le Paris de 1867, me mettant à la place de Muffat, épiant les fenêtres de l'appartement du journaliste. Ou bien me mettant à la place de Zola se mettant à la place de Muffat. Je serais allée aussi au passage des Panoramas, qui commence le chapitre -Muffat attend fébrilement la sortie de Nana du théâtre des Variétés- et aussi plus loin, dans une étrange anticipation qui évoque une absence de souvenir sauf celui-ci:

    Plus tard, jamais il ne sut où il avait passé; il lui semblait s'être traîné pendant des heures, en rond, dans un cirque. Un souvenir unique lui resta, très net. Sans pouvoir expliquer comment, il se trouvait le visage collé à la grille du passage des Panoramas, tenant les barreaux des deux mains. Il ne les secouait pas, il tâchait simplement de voir dans le passage, pris d'une émotion dont tout son coeur était gonflé. Mais il ne distinguait rien, un flot de ténèbres coulait le long de la galerie déserte, le vent qui s'engouffrait par la rue Saint-Marc lui soufflait au visage un humidité de cave.. Et il s'entêtait. Puis, sortant d'un rêve, il demeura étonné, il se demanda ce qu'il cherchait à cette heure, serré contre cette grille, avec une telle passion, que les barreaux lui étaient entrés dans la figure. Alors, il avait repris sa marche, désespéré, le coeur empli d'une dernière tristesse, comme trahi et seul désormais dans toute cette ombre. (p. 238)

    Je trouve ce passage étonnant. Le "Plus tard" qui ouvre l'extrait laisse penser que l'errance de cette nuit folle est terminée. Zola nous a fait partager jusque là le point de vue de son personnage, le désordre de sa marche erratique autour des chantiers du nouvel Opéra comme le désordre de son esprit, mais avec toujours le rappel du temps (sinon à l'ordre religieux) égrené par les sonneries de l'église de la Trinité: "Deux heures sonnèrent à la Trinité"(p.235) "Trois heures sonnèrent, puis quatre heures."(p.236). Or, dans le passage qui commence par "Plus tard", l'imparfait du souvenir semble abolir les frontières temporelles avant l'irruption du passé simple correspondant à la précision de la sortie du rêve, mais lequel? Celui de l'anticipation, du "Plus tard"? Ou celui du souvenir évoqué? Dans le paragraphe suivant, le jour se lève (au passé simple) et Muffat reprend sa marche. On est revenu dans la linéarité du récit et sa temporalité.

    Le jour enfin se leva, ce petit jour sale des nuits d'hiver, si mélancolique sur le pavé boueux de Paris. Muffat était revenu dans les larges rues en construction qui longeaient les chantiers du nouvel Opéra. Trempé par les averses, défoncé par les chariots, le sol plâtreux était chargé en un lac de fange. Et, sans regarder où il posait ses pieds, il marchait toujours, glissant, se rattrapant. Le réveil de Paris, les équipes de balayeurs et les premières bandes d'ouvriers, lui apportaient un nouveau trouble, à mesure que le jour grandissait. On le regardait avec surprise, le chapeau noyé d'eau, crotté, effaré. Longtemps, il se réfugia contre les palissades, parmi les échafaudages. Dans son être vide, une seule idée restait, celle qu'il était bien misérable. (p.238)

     

     


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