• Appelons-la Nuit, appelons-le Jour. Parce que c’est comme ça, c’est arbitraire. Nuit est belle et Jour est radieux, ils s’aiment depuis lurette. Ils vivent à Rouen mais ce pourrait être ailleurs. On pourrait rêver Rouen ou s’y rendre comme on se rend à l’essentiel, non? [ceci est mon exposition]

    roman-photos 1













    roman-photos 1Au début, Nuit écrivait à Jour sur les murs de la vieille ville : Tu es le bleu je suis du feu. À son tour, il répondait : Bleu comme tes yeux Jaune comme le soleil (Jour était beaucoup moins littéraire que Nuit) mais au début Nuit n’y prêtait guère attention.

    roman-photos 1





    Elle se contentait de lui adresser un nouveau message dans une vitrine. Mais il est où le soleil ?


    roman-photos 1





    Il est chez le Marchand d’trucs qui fait que se moquer de moi, avec son charabia. Nuit savait bien que c’était faux, il était en vacances à Marseille, le soleil. Pourtant, elle se rendit chez le marchand qui avait inscrit sur une ardoise : C’est grâce à la mer qu’il y a en Bretagne, beaucoup de chauves et d’orphelins.

    roman-photos 1

    Elle s’interrogeait encore sur la place incongrue de cette virgule quand elle se cogna contre Jour ruisselant de pluie, tempêtant comme un fou furieux : Contrairement à ce qu’on pense, je ne suis pas un pingouin vert ! Fuck ! Nuit, blanche de terreur ne l’avait jamais vu ainsi. Jour dépérissait. Il n’aimait pas sa vie. L’hiver, il rétrécissait comme peau de chagrin.

    roman-photos 1

    Nuit pourtant généreuse, ne lui suffisait plus. Un soir, Jour se rendit à l’Essentiel , y but des cocktails, toute la nuit jusqu’à l’aube. Quand il revint chez eux, Nuit avait laissé  un mot sur le mur : Je suis déjà partie, t’es arrivé trop tard, on se voit presque demain.  

    roman-photos 1








    à suivre  (peut-être)





    3 commentaires
  • les nantis

    Il y aura un jour où tu partiras. Il y aura un moment où tu diras Ça suffit. Ça suffira comme ça. Ce jour-là c’en sera trop. Et trop n’est pas assez. Tu voudras bien plus que trop.

    Tu repenseras ce jour-là à cette nuit-là dans le TGV, Paris-Marseille du côté des nantis. Des assis en retard. Des voyageurs en colère contre le service public. Retard dû en réalité à des moins bien lotis qu’eux qui dégradent la signalisation du service public qui ne leur rend pas service. Alors ils se servent : du cuivre en voici, en voilà. Mais les nantis ne l’entendent pas de cette oreille-là ; ils ont payé assez cher pour être en trois heures rendus à leur destination ; ils partent déjà avec une demi heure de retard et bien sûr dans ces cas-là on ne les contrôle pas, comme par hasard pas de contrôleur en vue, ils ont intérêt à rembourser le billet, l’annonce au micro du chef de bord n’apaise pas les tensions bien au contraire… La solidarité des nantis en colère, ça fait  un peu peur, ils quêtent ton approbation à la désapprobation générale, mais tu ne sais pas pourquoi, tu ne veux pas leur faire ce plaisir. Pourtant tu es encore plus nantie que les autres, toi, en vacances, et sans besoin de correspondance à la gare d’arrivée. Du haut-parleur, la voix éreintée du chef de bord explique qu’actuellement le retard est d’une heure trente et qu’obligé d’emprunter la voie classique, le train aura probablement trois heures de retard.  Tollé général. Tu t’enfonces lâchement dans le silence de ton livre. Les nantis affamés se lèvent et se dirigent vers la voiture bar. Ils n’hésitent pas à débourser quelque 15 euros pour une poignée de cacahuètes, un paquet de chips ou une tranche de cake enveloppée de cellophane, le tout en râlant après une heure de queue. Les nantis grignotent ou se sont assoupis. Tu profites de cette tranquillité, quand le train ralentit. Les nantis s’approchent des vitres : des yeux creusent dans la nuit. Une lumière, un panneau : Montbard. C’est où ça, Montbard ? Ça existe, ça ? Montbard. Le nanti du siège face à toi pianote sur sa tablette, assène, haineux : Montbard, Côte-d’Or, en Bourgogne… putain ! Nous ne sommes qu’à une heure et demie de Paris, ils nous baladent, je vous le dis, ils nous baladent. Les nantis qui, à cette heure il est vrai, devraient être déjà rendus se lamentent : ils ne ressemblent plus du tout à des nantis quand le train repart. Toi tu trouves en ta voisine, une alliée. Tu partages avec elle plusieurs fous rires. Vous ne cherchez pas à les contrôler. Plus jeune et plus libre que toi, elle n’avait pas non plus de réservation pour l’expo Hopper mais en s’y rendant de bonne heure elle a pu entrer au Grand Palais. Vous discutez un moment. À Lyon, le TGV reprend la ligne Très Grande Vitesse. À Avignon, un autre chef de bord a le plaisir de vous annoncer que des plateaux-repas sont mis gracieusement à la disposition des nantis. Les nantis – pas du tout gracieux- déplorent les 15 euros versés pour la poignée de cacahuètes. Ils se lèvent cependant pour aller récupérer le plateau repas auquel ils ont droit. Long défilé des nantis. Tu as faim mais préfères rester dans ta lecture. Le retour de la voiture bar est plus rapide. Ouvrant leur boîte en carton, ils grimacent devant la nourriture en carton. Ils la mangent cependant. Enfin, vous arrivez avec plus de six heures de retard.

    Le lendemain, tu imprimes le formulaire pour te faire rembourser parce que, que tu le veuilles ou non, tu fais partie des nantis. Tu attrapes le journal et tu lis un article sur le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Les nantis encore ne veulent pas céder : il leur faut un nouvel aéroport, pour se déplacer plus vite – peu importe le prix à payer pour les hommes qui vivent là, pour la nature qui les fait vivre là.

    Alors oui, c’en est assez. Demain, tu partiras. À pied. Tu réciteras à voix haute le poème de Rimbaud. Tu iras, picoté par les blés, fouler l’herbe menue, apporter ta carte bleue aux écologistes de Nantes. 



    2 commentaires
  • gris souris

    Quand écrire ne veut pas, marche se met en chemin. Pique-nique d’air, d’ombre et de lumière à Roques-Hautes.

    gris souris



    La montagne qui jette des pierres a juste jeté des gris de toutes couleurs pour nous en mettre plein la vue. Beau c’était, beau ça nous a mis à l’intérieur aussi. Beau n’est pas joli. Beau au-delà des mots – pas revenus ceux-là – où sont-ils dont partis ? – il est cependant permis d’espérer.

     

    gris souris


    La montagne accouche d'un sourire gris souris. M'offre aussi un bouquet de fleurs violettes.

     

    gris souris




    1 commentaire
  • étonnoir agenouilloirEntre trombes d’eau et mistral forcené, grand froid fracas s’est  frayé passage avec soleil au rasoir. Des morts il y a eu. Des arbres déracinés. Quant aux survivants, ils se calfeutrent. Pour d’autres, dont je fais partie, c’est un coup de fouet revigorant. L’ardoise, la paierai plus tard. En attendant, me couvre la tête, acère la langue. Parfois les doigts dérapent et trébuchent et sur l’écran s’affiche un étonnoir qui m’émeut. L’inconscient se promène-t-il  au Semenoir ? Possible. Maryse, sème-t-elle des graines par delà? Possible. Probable qu'elle aurait aimé cet étonnant agenouilloir dans ce non moins étonnant  monastère dans lequel nous conduit le prédicateur de silence, aussi novice fût-il…

                C’est un agenouilloir à confession, répondit le garçon. Ici, c’est en même temps une glacière et un confessionnal. Les prédicateurs qui ont enfreint la règle du silence s’agenouillent sur cette sellette, penchent la tête et appliquent leur langue contre la glace. Ils donnent ainsi un châtiment à leur langue qui a fauté, ils la réduisent au silence en faisant geler les mots qu’elle s’est fourvoyée à prononcer.

    (p. 153 de Yôko OGAWA, Le musée du silence, Actes Sud, 2003)

    étonnoir agenouilloirCe musée du silence ne saurait mieux m’enchanter en ce début de vacances, il pourrait bien être le lieu où seront conservées toutes les tristesses de ces derniers temps. En tout cas j’y trouve refuge et paix.

                Le vaste manoir, plongé dans le silence, était environné de ténèbres bien trop épaisses. Nous étions à l’écart de la foule, et nous nous serrions les uns contre les autres comme un groupe de poussières d’étoiles rejeté en bordure du ciel. Je ne pouvais pas imaginer ce qu’il y avait de l’autre côté des ténèbres, pour autant, cela ne me faisait pas peur. Parce que nous partagions la même passion pour les objets hérités des défunts et que, grâce à cela, nous avions établi des liens solides. Je savais que, dans la mesure où nous étions à la recherche de ces objets avec tendresse, aucun de nous, glissant sur le bord, ne serait avalé par les ténèbres. (p. 138)

    étonnoir agenouilloir

     

     

     


    votre commentaire
  • à Maryse, décidément, encore, toujours, aujoud'hui...

    m'en veux, en veux à ma bêtise/ naïveté de n'avoir pas senti avant que / avais vu il y a plusieurs jours de ça passer un tweet de Maryse disant son absence pour quelques temps, préparant une expo disait-elle / son absence se prolongeant au Semenoir / me rendant lundi à Paris  lui ai envoyé un message privé hier pour lui demander où se trouvait son expo/ m'en veux, m'en veux/  ce soir impossible de me connecter à Tweeter / apprends qu'ai été piratée  - panique - change le mot de passe - parviens enfin à me reconnecter / m'en veux, m'en veux / lecture des tweets/ commence à comprendre / Francis Royo plus explicite avec adieu à Maryse/ lis le billet de Christine / Brigitte / André / tous ses amis...

    La connaissais peu mais la lisais/ son écriture de chair et de sens / ses constructions poétiques / drôles / poétiques/ m'en veux, m'en veux -ces mots plats plateaux / alors qu'elle/ relire ses Baleine paysage avec l'avion vroum-vroum, chat roux, épaule ou aisselle du tilleul / ses portes mangées / la lecture avec Christine - l'encyclopédie des métiers improbables/ m'en veux, m'en veux / elle avait eu la gentillesse de rebondir sur mes textes de début juillet aux heures sombres / elle écrivait:

    j'observais les phrases lentement cheminer leur fardeau funèbre


    Merci Maryse

     


    1 commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique