• les vraisemblables

    Il parade, sous un grand parasol décoloré par le soleil, un perroquet sur l’épaule. Il marche le long de la mer, tournant parfois la tête à gauche, vers l’horizon pour apercevoir un point improbable. Le point apparaît devant lui, pas du tout où il l’aurait imaginé. Le point grossit en s’approchant. Difficile sur cette plage déserte d’évaluer précisément à quel moment ils vont se croiser. Le point s’allonge, devient silhouette sombre. Il serait opportun à ce stade de la narration de donner un nom au premier personnage, Robinson, Defoe ou Godot… Et pourquoi pas ? Le deuxième celui qui n’est encore qu’une silhouette brune aux yeux de Godot (va pour Godot) restera sans nom, il sera juste un vraisemblable. Car cette histoire qui s’inachèvera très vite s’intitule Les Vraisemblables. Au départ, deux groupes étaient prévus : les Vraisemblables en conflit avec les Ginaires. Et un petit groupe de marginaux n’appartenant à aucun des deux. Voilà. 




    votre commentaire
  • Ça, je dois dire qu'elle nous a bien eus aujourd'hui! Bon, faut dire qu'il y avait pas G.R ni Paulo mais quand même, on n'était pas vraiment silencieux en entrant en classe. Ludo, a même recommencé à ululer - enfin c'est ce qu'il croit mais ses cris ressemblent pas vraiment à ceux d'une chouette - mais elle lui a dit qu'il ferait mieux de se tenir à carreau, qu'il avait échappé au rapport hier et que si un autre s'était fait punir à sa place - moi en l'occurrence- l'erreur serait vite réparée... Elle a fait l'appel et la morale dans la foulée, on a recommencé à discuter entre nous et c'est là que ça a commencé... On a cru qu'elle avait pété les plombs, mais sa voix montait pas dans les aigus, elle souriait, elle avait l'air de savoir ce qu'elle disait...

    A ka nassé, wapalimo? Wapalimonos o wapalivostri. Si waplivostri, a pertura, perturali. Likounotré, si ovoulaténoukouchépou. Nokouchépou, wapalimo. 

    Dans un silence total, on l'écoutait. Ça a bien duré cinq minutes. Ludo m'a demandé ce que j'en pensais. Elle s'est approchée, en le menaçant: tchikanami!!! Tom a demandé: C'est quoi comme langue? Du chinois? De l'indonésien? Du zoulou?

    A bini ka, lémopéré. No chinok.

    De l'indonésien? Un dialecte africain? Madame, dites-nous.

    Elle a souri. Je suis contente d'avoir obtenu votre attention, et je vous répondrai peut-être à la fin du cours, si vous jouez le jeu. Ensuite, elle nous a demandé de tourner le dos au tableau sur lequel était encore inscrit le cours des 6e sur L'Odyssée. On a bien encore fait un peu de bruit en retournant les chaises, et Claudia s'est assise sur le dossier pour voir la réaction de la prof, qui n'a pas tiqué.  Elle a posé dix questions et on devait juste écouter pour les retenir. Eles les a redites chacune deux fois. Après, on devait essayer de fermer les yeux et d'entendre dans notre tête les questions. C'est drôle, les yeux fermés, j'ai entendu ma propre voix. Au bout d'une minute elle a demandé s'il y avait des volontaires pour énoncer les questions. J'ai vu plein de doigts se lever, même Rose voulait répondre. La prof lui a donné la parole et Rose a réussi à dire sept questions. Moi j'ai réussi à retrouver les dix. Elle n'a pas interrogé tout le monde et Ludo a marronné. Elle a dit que l'important c'était de comprendre si l'on était plus auditif ou visuel pour apprendre des trucs, ou un mixte des deux. Après, elle a demandé de nous retourner vers le tableau (sur lequel il y avait le cours des 6e) et  dessiné un bateau avec au-dessus des sirènes planant à la craie rouge. Après avoir ajouté quelques chiffres et ornements avec des craies jaunes, elle nous a demandé de retenir le maximum d'informations pendant une minute. Elle a fermé le tableau et si on voulait on pouvait fermer les yeux pour visualiser tout ce qui était écrit ou dessiné. Et là, je crois bien que toute la classe a levé le doigt. Sauf Alison qui a dit qu'elle n'avait jamais réussi à retenir quoi que ce soit, de visu des yeux, des oreillettes auditif ou kinesthésique - curieusement ça, elle l'a bien dit (j'ai oublié de dire que la prof avait parlé de ça aussi). Alors, la prof, elle a demandé qu'Alison ferme les yeux et nous aussi si on voulait pour visualiser notre chambre... Et après, elle lui a demandé si elle avait réussi, et par exemple si elle pouvait dire si la fenêtre était ouverte ou fermée, si elle entendait du bruit, et là, on a vu Alison sourire, et dire que Oui, elle avait entendu très clairement la mer et senti le vent dans ses cheveux...

    La prof avait l'air contente. Après, on l'a écoutée lire le poème Je vis, je meurs... Je me suis dit qu'elle était maligne, la prof, enfin Louise Labé aussi mais la prof, elle nous a eus, on avait oublié de parler entre nous... À la fin du cours, Ludo a demandé la langue avec laquelle elle avait parlé... oh ça? C'était du grand n'importe quoi, ce n'était pas une langue... Un langage imaginaire, un petit exercice d'improvisation au théâtre, mais intéressant n'est-ce-pas?

    J'sais pas trop quoi penser : on n'a rien écrit, on n'a pas travaillé mais quelque chose s'est passé, j'crois. Demain G.R et Paulo reviennent en cours. 

     


    2 commentaires
  • ça

    çaCe pourrait être cela, oui, ce pourrait être ça, seulement le silence et des yeux curieux, mais surtout le silence, pas ces cris d’animaux, qui d’emblée disent, on ne veut pas de toi ici, casse-toi, tu n’es pas des nôtres, nous ne voulons pas entendre parler de Ronsard ni de Louise Labé, c’est quoi ces noms ?on veut juste que tu nous foutes la pais, et on s’en fout de savoir que ça s’écrit avec un –x- nous on  a déjà fait démissionner celui qui était là avant toi, on pensait que vous aviez compris, que vous alliez nous laisser tranquilles… On veut juste tchatcher entre nous, tchatcher ou couiner, jacasser,  pousser des cris d’animaux pour voir aussi toi comment tu couines, comment tu hurles, comment tu deviens folle, comment tu démissionnes aussi toi…

    Mais ils ne disent même pas cela, ils font du bruit, poussent des cris d'animaux, ils ont décidé d’emblée de ne pas m’écouter, moi, placée ici à deux semaines des conseils de classe, un mois des vacances qui remplace ce jeune stagiaire plus coriace qu’il n’y paraît – au téléphone, médicamenté, ne m’entendait pas non plus, ne cessait de répéter Sais pas comment j’ai tenu jusque là, sais pas, si longtemps…vous avez déjà enseigné ? - mais il n’entendait pas ma réponse, ressassait, mal, voulant en finir avec tout ça, cette quatrième en particulier- et donc pas le temps de les apprivoiser, pas le temps de prendre le temps, juste jeter les quartiers de viande, faisant claquer le fouet quand l’un s’approche trop près…

     


    4 commentaires
  •  

     

    On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs

    On n’est pas couché

    On ne badine pas avec l’amour

    On ne parle pas la bouche pleine !

    On n’a pas fini d’en parler…

    On ne réécrit pas l’histoire.

    On ne naît pas nez.

    On est vert

    On aura tout vu

    À Coulommiers, on est loin de l’Élysée.

    On connaît la chanson

    On recherche l’ambiguïté de la vie

    On aurait pu vouloir ma voisine de fauteuil,

    On l’a échappé belle.

    On cherche la nuit du monde à l’ombre de ce que nous avons été.

    Où l’on veut, quand on veut.

    Silence on ferme

    On retrouve ses obsessions intactes :

    On se les arrache


    découpé-collé #6

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


    votre commentaire
  •  mission g-acNouvelle (et dernière de l’année) mission – démission d’un stagiaire Je me demande comment ai pu tenir aussi longtemps – nouveau collège – nouveaux élèves en fin d’année- nouvelle ville avec un nom en -ac– suivre les indications – au rond-point prendre à droite, tout droit jusqu’au feu, la poste à gauche et supermarché Dia à droite, tourner à gauche, le collège Le petit prince trois-cents mètres un peu plus bas sur la gauche- garer ombre sur la voiture- odeur forte âcre du pétrole- raffiné non loin – étang de Berre et mer non loin non plus- interphone- montrer patte blanche de professeur TZR attendu comme le Messie  - dit le principal moi bafouillant ouh là  - visite du collège aux murs roses et hublots ronds- Bateau ? Mi-bateau, mi-avion, me répond-on, proximité étang aéroport Marignane –emploi du temps, listings, trombinoscopes- musique méconnaissable très forte – myriade d’élèves soudain dans les couloirs – de nouveau musique remplaçant sonnerie horrible intercours – repartir en sens inverse -  repérer trajet Maison carrée – mas bleu- des noms et des bâtiments sans prétention- des maisons au soleil- panneau bleu de l’autoroute- quarante kilomètres avant maison



    2 commentaires



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires