• horizontale

    Une journée où il ne se passe rien peut donner un roman de mille pages. Mais rarement. Alors petit complément d'information apporté par D. après lecture du billet bulle est. L'expression coincer la bulle trouve son origine dans l'instrument appelé niveau à bulle ou nivelle et qui - je cite Robert, Petit de son prénom- désigne: "Instrument qui sert à donner l'horizontale, à vérifier l'horizontalité". Sur la photo, on voit bien que la terrasse ne coince pas la bulle entre les deux traits, elle n'est donc pas horizontale. Contrairement au photographe. (Qui a quand même levé son fondement pour prendre la photo et rédiger cet article de fond) (sic!) La deuxième acception du mot mérite d'être notée: "Degré d'élévation, par rapport  à un plan horizontal d'une ligne ou d'un plan qui lui est parallèle." Édifiant non? Voire, effarant si l'on considère que les pensées de deux personnes de même niveau, sur la même ligne, sur le même plan, mais à côté, ne peuvent jamais se croiser. 

    Heureusement, il reste le langage, qu'on peut considérer comme une manière de voir à travers les yeux de quelqu'un d'autre, a dit quelqu'un d'autre. 

    Sinon, il paraît que plus de 15% des  petites librairies indépendantes ont déposé le bilan, ces dix dernières années et que le far breton est en danger. Questions: peut-on mettre ces deux informations sur le même niveau? Et pourquoi pas? Nourriture pour nourriture, gourmandise pour gourmandise, pourquoi l'une serait à un niveau plus élevé que l'autre? Quel est l'instrument qui pourra trancher? Arrêtez, je vois des gorges tranchées, des gorges chaudes et des têtes et des mains coupées. Je vois un corps à l'horizontale se gorger d'assassinats tous plus horribles les uns que les autres, un corps dans une chaise longue sous un sycomore qui lit Viol de Botho STRAUSS, d'après Titus Andronicus de Shakespeare. Les yeux du corps horizontal dans la chaise longue sous le sycomore lisent la réplique de la comédienne qui joue la metteure en scène:

    Nous ne voulions pas de l'habituel "Sex and Crime Show". Je veux dire, nous ne voulions pas tout montrer sur scène. À quoi ça rime de jouer aux boules avec des têtes d'enfants coupées? La vengeance tourne à vide dans la pièce, à force de violence, on sature, on devient indifférent. OK, le sang déborde de partout, il gicle sur les tables, les pavés, les murs, les mains, et alors? Il y a des metteurs en scène qui interposent une sorte de filtre, à partir de quoi tout tourne à la comédie. Ils ne se laissent pas atteindre par ce qu'une telle pièce contient de sous-jacent.

    Moi, je ne voulais pas faire de Titus un truc cool. Je voulais découvrir ce que ces personnages extrêmes ont finalement d'humain. Ce qui, dans ce qu'ils ont d'extrême, nous renvoie à nous-mêmes. p. 27-28, Botho STRAUSS, Viol, éd. "L'Arche"


    Et bien moi, je dis que c'est plus grave la disparition des librairies que celle du far breton, mais peut-être que je ne suis plus à l'horizontale.




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  • Le sable

    Dans nos têtes s'écoule

    Comme le sable du temps en sablier

    Pâte sablée de nos désirs en tablier rouge

    Crier à table, à table aux corps sur le sable

    Ne pas oublier les sets de table 

    Nos bras sur les têtes de sable

    Qui parlent à voix basse

    L'écume sur les lèvres

    Déjà les têtes de sable

    S'effritent s'effacent

    Ces faces

    Sont faites

    Du Sable

    De nos

    Rêves.


     

    Têtes de sable

     

     

     



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  • Admettons que je sois le soleil. Imaginons que je n'aie pas envie d'aller me coucher ni d'aller siffler derrière la colline. Supposons que j'aie envie de jouer aux tarots avec Lune. Qu'elle soit occupée à jouer à Mario sur sa DS mais que dès que je trouve trois autres joueurs, promis, elle se joindra à nous. Fatigué et pourtant incapable d'aller me coucher, je fais un clin d'oeil au gros - c'est pas une lumière mais c'est un bon bougre le Cumulus; il est d'accord pour une partie. Jour et Nuit se chamaillent encore et si on ne les sépare pas, ils vont en venir aux mains. Calmés, ils acceptent de jouer aussi. On y voit de moins en moins: où se trouve le jeu de tarots? Impossible de le trouver. Jour baille et les paupières de Nuit sont de plus en plus lourdes. Cumulus ne tient pas en place. J'ai pas trouvé les tarots mais un jeu de cartes ordinaire. Je propose une dame de pique, un président, un barbu... Mais Jour a disparu. Une contrée? Nuit hausse les épaules, frissonne, se drape dans son manteau bleu. Cumulus a suivi sa bande de potes: ils vont faire la fête ailleurs. Quant à Lune, elle sort des toilettes, blême, annonçant qu'elle ne se sent pas bien, ce soir. Finalement, je vais peut-être aller siffler derrière la colline... J'ai vraiment pas sommeil.

    insomnie solaire

     

     

     


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  • bulle est

    Buller. C'est ce qu'elle a fait toute la journée. Ou presque. D'ailleurs elle se demande d'où vient l'expression. Faire des bulles avec du liquide à vaisselle et cette sorte de cuiller trouée dans le trou duquel on souffle, est une action qui requiert sérieux, implication et habileté. C'est tout un art. Et de toute façon, avant même de constituer un savoir-faire, c'est un faire tout court. Donc, buller au sens de ne rien faire, farniente, vient peut-être de cet automatisme du corps des grands infirmes ou des séniles, un rien obscène: faire des bulles avec sa salive et ne rien faire d'autres. Sauf que l'image est dérangeante et ne colle pas à l'expression de gourmandise assouvie de ceux qui disent: "j'ai passé la journée à buller". Alors, qu'est-ce à dire? Il y en a même qui coincent la bulle dans un hamac, les malotrus. L'expression ne trouverait-elle pas son origine dans les petites bulles d'eau qui se forment après avoir jeté un pavé dans la mare? (Tiens en voilà une autre, mais l'image est beaucoup plus explicite.) Pourquoi surtout est-ce que je me torture les méninges pour un truc aussi idiot alors que je suis en vacances et que j'ai le droit de paresser et de coincer ma bulle comme il me plaira?

    Et puis je n'ai pas tant bullé que ça: lu trois chapitres du Pantagruel de Rabelais, et pas les plus faciles, joué avec ma nièce de plus en plus exigeante quant au niveau des chasses au trésor organisées dans le jardin, lu trois chapitres de mon polar suédois pour me rafraîchir Avant le gel de Henning Mankell, rejoué avec ma nièce et ses chasses au trésor sont de plus en plus difficiles - pas trouvé le bâton vert- fait trente longueurs dans la piscine (seulement 25°, dur, dur les vacances...) qui ne fait que douze mètres mais quand même, peinturluré avec ma nièce, bref... où est la bulle? Si bulle il y a, elle est, et si bulle est... (d'accord, je vais me coucher, fatiguée là...).



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  • Un départ. Une route, une autoroute même. Qu'on connaît bien, pour la pratiquer plusieurs fois dans l'année et ce depuis plusieurs années. Le trajet n'est pas très long et la radio nous accompagne. Mais à un endroit, c'est le néant complet, aucune onde reçue. Les voix se chevauchent à un moment, les musiques s'emmêlent et s'enchevêtrent dans une bouillie inaudible, et puis plus rien. Le silence, les nuages et ce paysage rocailleux. On bataille un moment avec les boutons en essayant de capter une radio, n'importe laquelle, même celle du trafic routier, très vite on abandonne. On continue à rouler. On n'y pense plus et soudain, on entend une voix féminine, qu'on est ravi de reconnaître. On exulte: c'est elle, c'est bien elle. Juste celle qu'on voulait entendre à ce moment-là. Cette belle voix cherche ses mots... On écoute ce qu'elle dit et l'on se rend compte que ce n'est pas la femme à laquelle on pensait qui parle. On cherche à identifier la comédienne qui explore les cartes routières qui ont compté pour elle. Car l'émission, oui, on la reconnaît pour l'avoir écoutée sur France Inter plusieurs fois depuis le début de l'été. On a apprécié l'idée de Denis Cheissoux et de Brigitte Kernel de "Qu'importe le chemin" qui consiste à dialoguer avec un artiste autour de cartes routières (qu'on entend se déplier, se défroisser, voire se lisser sous le plat de la main de l'invité) ou de plans de villes qui ont compté pour lui. Ou pour elle.Qu'importe le chemin sur l'autoroute

    Elle parle maintenant du Berry, de Nohant, de George Sand, de sa maison qu'elle a eu le privilège de visiter seule, à l'occasion d'une lecture, de son théâtre -des instructions écrites de la main même d'Aurore Dupin, de La Mare au Diable, le premier beau livre qui lui a été offert, et de la coïncidence extraordinaire, quelques semaines après, de se voir proposer de jouer le rôle de George Sand dans un téléfilm. Autre coïncidence: une amie très chère m'en a parlé il y a quelques jours, après sa visite de la maison de l'écrivaine, avec la même émotion et le même enthousiasme. Ainsi, dans l'habitacle de ma petite voiture, se tenaient quatre femmes réunies par l'écriture, la lecture et la parole, et je m'en émerveillais. J'avais reconnu Ariane Ascaride depuis un petit moment déjà et je me disais qu'il faudrait écrire tout cela à l'amie, pour prolonger encore ce petit moment magique, sur l'autoroute. Qu'importe le chemin, pourvu qu'il y ait rencontre.

     


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